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  • 07/10/2016 à 10:18

Ardogan n’a pas donné l’ordre de tirer sur l’avion russe

Ardogan n’a pas donné l’ordre de tirer sur l’avion russe

Par Mansour M’henni 

La rencontre organisée par l’institut tunisien des études stratégiques (ITES), le mardi 4 octobre 2016 à Dar Dhiafa (Carthage), avec Leonid Rechetnikov,

le président de l’Institut russe des études stratégiques (IRES) ne saurait laisser indifférent, surtout que ces derniers temps, la Russie occupe l’avant-scène de la géostratégie internationale et semble déterminée à y intervenir de la façon la plus pesante et la plus à même de laisser entrevoir un nouvel ordre mondial.

Comme attendu, le conférencier a réitéré le plein engagement de son pays en Syrie, aux côtés du régime en place, celui de Bachar El Assad ; mais cela ne serait pas uniquement pour se positionner aux côtés d’un ami en difficulté. L’objectif essentiel serait pour lui d’empêcher le monopole qu’une puissance internationale essaie de s’octroyer indéfiniment, et de défendre la légitimité partout dans le monde, celle des élections et non celle d’une décision étrangère au pays concerné.

Au-delà de tout ce qui a été dit par ailleurs et qui m’a paru très instructif, j’ai été particulièrement frappé par le ton, à la fois ironiquement jovial et calmement rigoureux, sur lequel l’invité de l’ITES a déclaré, comme pour annoncer un scoop : « Erdogan n’a pas donné l’ordre de tirer sur l’avion russe ! ».

 

On se souvient peut-être que, le 24 novembre 2015, la Turquie avait abattu en vol un avion militaire russe à la frontière turco-syrienne, et tué l’un de ses deux pilotes. La condition inébranlable de Poutine pour reprendre le dialogue, c’était des excuses publiques du président turc Recep Erdogan. Cet accident survenait à un moment où le président Turc était accusé de connivence avec les terroristes de Daech, à tel point qu’après l’accident Poutine parla d’un « coup de poignard dans le dos ». Cela a été compris comme une implication franche de la Turquie avec les terroristes contre la société internationale qui essayait de bloquer son expansion alarmante.  Erdogan s’est entêté, mais il a fini par céder ! Il a dû se souvenir que, « quand le vice-président américain Joe Biden avait laissé entendre que la Turquie finançait des groupes djihadistes en Syrie, Erdogan avait exigé et obtenu très rapidement des excuses ».

Et les excuses du président turc vinrent effectivement, et se répétèrent même, pour le bonheur des autorités russes, mais dans une formulation qui donne encore à penser : « Je veux une nouvelle fois présenter mes sincères et profondes condoléances à la famille du pilote mort et demander pardon. Nous partageons leur douleur de tout cœur. […] Je suis prêt aussi à tout pour œuvrer au rétablissement des relations amicales traditionnelles entre la Russie et la Turquie. […] Nous n’avons jamais eu l’intention de détruire un avion appartenant à la Fédération russe. »

Pourquoi ce revirement, comment, à quel prix (prêt à TOUT) ? Difficile de tirer au clair les secrets d’une énigme dont le propre est d’en être vraiment une.

C’est dans ce tourbillon d’interrogations que nous interpelle l’affirmation de Leonid Rechetnikov : « Erdogan n’a pas donné l’ordre de tirer sur l’avion russe ! ». Pour le directeur de l’IRES, c’est les USA qui ont monté ce scénario et, par sa sérénité et sa lucidité, le président Poutine n’est pas tombé dans le piège qui voulait l’amener à provoquer une crise régionale à même de favoriser les stratégies américaines dans la région.

Mine de rien et malgré le sens dénoté par la phrase de Rechetnikov, ce n’est plus Erdogan qui est défendu par ce propos, mais la Russie, son président et sa nouvelle politique.

En définitive, il est évident qu’à jeux divers il y a stratégies et coalitions diverses, cependant, tout laisse croire que quelque chose d’important est en train de présider à une nouvelle configuration des relations internationales et des rapports de force dans le monde.

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