Au-delà de la crise coréenne !

Pr. Khalifa Chater

La Corée du Nord a annoncé, dimanche 7 février 2016, le lancement réussi d'une fusée à longue portée, suscitant un nouveau tollé de la communauté internationale. Alors que la Corée du Nord, évoque "un lanceur spatial équipé d'un satellite d'observation terrestre dans un but purement scientifique'. La Corée du Sud affirme qu'il s'agissait d'un missile de longue portée, dans un but militaire. S'inscrirait-il dans sa stratégie qui souhaiterait le développement d'un missile balistique intercontinental capable de transporter une charge nucléaire jusqu'au territoire américain ? (site Le Télégramme, 08-02-2016).

Riposte Washington/Séoul, leurs responsables militaires ont annoncé l'ouverture de discussions officielles sur la mise en place du système dit THAAD (Terminal High Altitude Area Defense), bouclier antimissile parmi les plus sophistiqués du monde. "Cet essai nucléaire associé aux tests de technologie de missiles balistiques (...) renforcent nécessairement l'argument selon lequel Séoul a besoin d'améliorer son système de défense", commente Ben Goodlad, analyste chez IHS Aerospace, Defence and Security.Yoo Jeh-Seung, ministre adjoint sud-coréen de la Défense, a invoqué "les menaces croissantes de la Corée du Nord", après le quatrième essai nucléaire mené par Pyongyang le 6 janvier et le tir du 8 février, considéré comme un test déguisé de missile balistique. Réuni en urgence, le Conseil de sécurité de l'Onu, évoquant une « menace contre la paix et la sécurité internationales », s'est engagé à « adopter rapidement une nouvelle résolution » pour alourdir les sanctions contre Pyongyang. D'autre part, Séoul a suspendu mercredi, 10 février, les activités du parc de Kaesong, seul exemple de coopération entre les deux Corées.

Provocations, surenchères, comment expliquer cette escalade nord-coréenne ? En aucun cas, elle ne peut susciter l'embrasement de la région. Privé de soutien, des acteurs internationaux, à l'exception de la tolérance qu'elle bénéficie auprès de la Chine, qui n'a même exercé en sa faveur, son droit de veto, contre la dernière motion du Conseil de Sécurité, la Corée du Nord semble mèner un combat d'arrière-garde, en agissant dans les marges de l'ordre dominant. D'ailleurs, dans une large mesure, cette politique de menace a des objectifs internes, pour maîtriser son opinion publique et la soumettre à  l'ordre totalitaire. Son régime dynastique pourrait-elle échapper au scénario  allemand de l'unité, rêve de sa jeunesse.

De fait, la crise coréenne consolide le rééquilibrage géopolitique dans la région : Mobilisation américaine, consolidation de l'alliance USA/Corée/Japon, réaction de la Chine.  Tout en regrettant le lancement de la fusée nord coréenne, Pékin s'est dit "profondément préoccupée" par l'arrivée de THAAD.  Elle perçoit le système THAAD comme une menace pour sa propre politique de dissuasion nucléaire. Mais la donne commerciale est en faveur du vivre ensemble et du développement du partenariat dans la région.  A plus ou moins brève échéance, l'habilitation citoyenne, l'isolement du régime de Pyongyang et le recul du totalitarisme dans le monde, pourraient susciter des mutations salutaires, dans la péninsule coréenne.