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  • 16/10/2020 à 09:12

Bizerte, notre mémoire et notre conscience

Bizerte, notre mémoire et notre conscience

Par Mansour M’henni


J’avoue ne pas être surpris par les propos de quelques commentateurs et chroniqueurs qui, dans le prolongement de l’attitude de certains responsables et activistes politiques, et peut-être de connivence avec eux, n’arrêtent pas de traiter Bourguiba de tous les noms et de l’accuser de tous les crimes, à chaque commémoration des dates symboliques de l’histoire de notre pays et de sa lutte pour la libération nationale et l’édification de son Etat moderne.

Guère surpris certes, mais profondément scandalisé car, me semble-t-il, l’intelligence citoyenne, quand elle est dotée du ben sens et d’une conscience responsable, se doit de donner à César ce qui est à César, donc de reconnaître les mérites sans se priver d’être critique des erreurs ou des dérapages.

Le phénomène s’est répété encore dernièrement à l’occasion de la commémoration, le 15 octobre 2020, de la Fête de l’évacuation. D’aucuns vont jusqu’à rendre Bourguiba responsable de la mort de nos martyrs dans la bataille de Bizerte, la dernière militairement menée contre l’ancien colonisateur. Pour moins de rien, ils disculperaient l’ennemi d’hier pour inculper le leader de la dynamique collective de libération nationale, qui est aussi l’édificateur de la Tunisie moderne et indépendante. Je ne pense pas trop me tromper en disant qu’il y a, dans une telle attitude de dépit et de rancune contre Bourguiba, beaucoup d’ingratitude et une injustice certaine. Voudrait-on nous faire croire que Bizerte aurait été libérée sans l’ultime bataille de Bizerte ? C’est peu crédible, rien qu’à voir, au plus près de nous, le statut des territoires de Ceuta, de Melilla et de Gibraltar. Ou alors, elle l’aurait été au prix fort et avec un bien plus lourd tribut.

Des fois, je suis tenté de croire que ces sceptiques, quant à l’intérêt et à l’importance de la bataille de Bizerte, auraient préféré voir Bizerte croupir encore sous la domination coloniale rien que pour trouver de quoi renier à Bourguiba tout le mérite qui est le sien dans la lutte pour la libération nationale. D’ailleurs faute d’un tel argument, ces ennemis inconditionnels de Bourguiba n’arrêtent pas de voir l’ancien colonisateur partout, même dans les retombées néfastes de l’impuissance de leurs partis politiques, par manque d’imagination et d’esprit de prospection et de programmation.

Je n’avais que onze ans quand s’est déclenchée la bataille, je venais de réussir mon « examen du sixième », le concours d’entrée au Lycée avec affectation au Lycée de Garçons de Monastir qui allait ouvrir ses portes l’année même de ma première rentrée en tant qu’élève de l’enseignement secondaire. J’ai vécu, à cet âge, la fierté des Tunisiens autour de moi, mon père le premier qui était analphabète et qui avait fait son service militaire dans l’armée française. Il y avait aussi de la peur pour ceux qui étaient partis pour le front ; mais les leçons de l’Histoire aidant, on finissait par se convaincre que le jeu en valait la chandelle. D’ailleurs un des nôtres, le jeune Ali Sliman y laissa la vie. Aujourd’hui c’est une école de notre petite ville qui porte son nom. Ce n’est pas un hasard, surtout dans l’esprit de Bourguiba, que cela soit toujours rattaché à l’Ecole. Un pays, c’est d’abord une école.

Quelque temps après, ce doit être deux ou trois ans si ma mémoire ne me trahit pas, une excursion à Bizerte a été organisée par une des structures locales et j’ai tenu à y aller. Il nous a été donné alors de voir encore les trous des balles dans les murs et les portes des locaux. C’était notre façon de revivre la bataille de Bizerte après coup et d’en retenir les leçons qui se doivent.

Comme j’aimerais que ceux qui viennent de loin (et je ne parle pas d’éloignement physique) puissent apprécier à leur juste valeur les grands événements de notre Histoire et les dignes citoyens, pas forcément des héros, qui y avaient joué des rôles de héros pour que la Tunisie soit et demeure ! Car aujourd’hui nous avons besoin de cette mémoire et de la conscience qu’elle donne pour savoir servir notre pays comme il nous faut le faire.

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