• Actualité
  • Chronique
  • 19/12/2019 à 10:41

Ce Maroc et le Maghreb

Ce Maroc et le Maghreb

Par Mansour M’henni

Nombreux étaient les gens qui avaient parié que le roi Mohamed VI ne féliciterait pas le président algérien élu au scrutin de décembre 2019. 

Mais le Roi du Maroc a fait perdre les mauvais parieurs et a même été un des premiers à féliciter le nouveau président du pays frère avec lequel il a un contentieux vieux de plusieurs décennies. Mauvaise surprise pour ces joueurs du hasard, bonne surprise sans doute pour ceux qui se soucient de l’avenir du rêve maghrébin.

En vérité, ceux qui croyaient dur comme fer que le Roi n’oserait pas un geste de félicitation qui compterait comme une faiblesse, ignorent peut-être certains aspects de la personnalité et de la vision politique de ce jeune prince se trouvant très tôt sur le trône d’un pays d’un certain prestige et d’un poids certain, dans la région au moins. En effet, en prenant le pouvoir en 1999, Mohamed VI avait à gérer l’effet d’une mondialisation impérieuse qui imposait une performante compétitivité économique devant aller de pair avec d’importes réalisations sociales. Il s’y appliqua et y réussit parce qu’il n’était pas insensible au volet social, ayant lui-même pris l’initiative de créer la Fondation Mohammed V pour la solidarité en juillet 1999 et le Fonds Hassan II pour le développement économique et social en mars 2000. Il s’était peut-être inspiré, pour une saine émulation, du fameux Fonds de solidarité 26-26 crée en 1992 en Tunisie, lui-même successivement doublé du Fonds 21-21 pour l’emploi et de la BTS (Banque de solidarité) pour le soutien des jeunes promoteurs. C’étaient des initiatives royales servant à épauler et à conforter l’action du gouvernement, ce dernier se trouvant lui-même pleinement engagé dans une politique d’équilibrage de la balance du développement entre les acquis économiques et les devoirs sociaux.

On peut juger différemment cette première démarche du jeune roi mais on ne saurait lui dénier le souci d’une bonne gouvernance adaptée à la structure du pouvoir dans le pays et aux défis qu’il avait à relever. Faut-il rappeler que dans les années 90 on plaçait la Tunisie devant le Maroc dans les classements du développement ; mais cela a commencé à changer légèrement dans les années 2000 pour faire basculer vertigineusement la balance au profit du Maroc après 2011.

De ce point de vue, indépendamment de tous les beaux mots dont on voudrait parer ledit « printemps arabe », on ne saurait déprécier l’intelligence et la perspicacité de Mohamed VI qui a anticipé sur l’effet de contamination régionale et a décidé d’un référendum en 2012, jugé comme une « révolution douce » dans la marche sereine du royaume. Cela n’empêche pas le Maroc de connaître encore des manifestations de mécontentement ou de revendication, mais n’est-ce pas dans l’ordre des choses liées au bras de fer continu entre le pouvoir et l’opposition ? L’essentiel, c’est de savoir gérer cette dialectique et de décider de ce qu’il faut quand il le faut.

Tout cela semble s’être déroulé dans une apparente indifférence à la question du Maghreb, au profit du seul intérêt national. Ce n’est pourtant pas le cas, car le Maroc sait pertinemment que ce regroupement régional est une nécessité vitale pour les pays frères que tout devrait réunir autour d’un développement solidaire pour le bien-être partagé. C’est pourquoi Mohamed VI n’a pas hésité à tendre la main à l’ancien gouvernement algérien qui n’a pas répondu à l’appel du Roi, le 6 novembre 2018, pour « relancer le dialogue entre les deux pays ». Il a réitéré son appel en juillet 2019 à l’occasion de la fête du trône et l’attitude algérienne n’a pas changé.  

Pourquoi s’étonner donc que le Roi félicite son nouveau confrère algérien pour signifier qu’on ne peut pas continuer à vivre côte à côte sans converser et qu’on ne peut pas construire un avenir commun en cultivant les animosités et en attisant les conflits du passé ? N’est-ce pas une heureuse et noble initiative dont on ne pourrait que se réjouir pour continuer de s’accrocher à la planche la plus proche et la plus fiable pour le salut des pays d’une région profondément rongée par un méchant cancer dont il lui faudra bien se tirer pour survivre et continuer.

Partager sur
Retour
Les Dernières Vidéos
Les Dernières Actualités