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  • 15/09/2017 à 09:46

Cette Tunisie pour laquelle il faut vivre et au besoin mourir

Cette Tunisie pour laquelle il faut vivre  et au besoin mourir

Par Mansour M’henni 

La Loi de réconciliation administrative, votée dernièrement par l’assemblée des représentants du peuple (ARP) à une majorité éloquente au vu du nombre de voix opposées, est d’une valeur civilisationnelle incontestable et d’une signifiance caractérisée pour la société tunisienne toutes tendances politiques confondues.

Comment ne pas se rappeler à ce propos l’appel lancé par Nelson Mandela à la suite du changement de 2011, pour une réconciliation nationale en Tunisie, à l’image de celle qu’il avait conduite lui-même dans son pays où les heurts et les clivages étaient d’une telle violence qu’on y voyait un obstacle infranchissable sur la voix d’un vivre-ensemble tolérant et solidaire dans une même société unifiée. N. Mandela avait une haute idée de la Tunisie et ne voulait pas que son image de marque d’une société médiane, tolérante, éclairée et pacifique soit altérée par l’hystérie pseudo-révolutionnaire qui ne ferait qu’élargir le fossé entre les composantes de son tissu sociopolitique.

Malheureusement, certaines tendances politiques dans le pays de Bourguiba ont fait de l’intolérance, comme suggérée par le slogan « Manich msameh !!! », une devise politique, souvent brandie d’ailleurs par ceux-là qui, hier encore, se vantaient d’être de l’école militante de Mandela. Ils sont libres d’avoir choisi cette voie, dévoilant on ne peut mieux les vrais rouages de leurs mouvements politiques ; on ne peut que respecter leur attitude, au nom d’une certaine démocratie, mais on ne peut s’empêcher de garder, dans le cœur, une amertume certaine faisant l’effet d’une plaie maligne et d’une douleur inconsolable.

Je ne veux pas m’attarder sur la justification et la noblesse de cette loi récemment votée, bien que n’étant pas concerné par son effet. Mais je ne saurais occulter la valeur d’humanité qu’elle porte au plus haut de la noblesse, tout simplement parce qu’elle reconnaît à l’homme ses faiblesses et, ce faisant, fait la part de ce qui est pardonnable et de ce qui l’est moins ou pas du tout. Ce ne sont donc pas les individus « graciés » qui comptent, dans cette opération ; mais un état d’esprit d’édification sociétale par auto-immunisation et par auto-médication.

J’avoue avoir été surpris par l’attitude d’un ami, un classique de l’opposition politique avec lequel j’ai fait un long et bon bout de chemin dans le militantisme syndical et dans l’exercice du devoir professionnel en éducation et en enseignement, un ami qui a connu aussi bien les rouages du fonctionnement administratif que les tumultes des coalitions et des ruptures, des flux et reflux de l’interaction politique entre l’opposition (ou les opposants) et le pouvoir ! Mon ami s’indignait de cette loi qui allait donner carte blanche aux responsables actuels et futurs de l’administration, afin qu’ils se livrent à tous les abus ! A-t-il lu les articles de cette loi ? A-t-il surtout fait attention aux limites de la période couverte par cette loi ? Je ne le pensais vraiment pas aussi épidermique dans ses réactions ! On n’aura pas fini de découvrir des choses.

Force est, à propos de cette loi, de reconnaître la touche particulière du président de la République Béji Caïed Essebsi et l’intelligence avec laquelle il a conduit cette opération, parfois contre vents et marées. Il a dû naviguer à vue, apparemment ! En fait, il s’est avéré qu’il naviguait bien en maître à bord. Plusieurs forces vives, des citoyens, des partis, des structures de la société civile, l’ont soutenu dans cette tâche, chacun à sa façon, convaincus qu’ils soutenaient ainsi une configuration authentique de la Tunisie de tous les temps, celle qui a toujours été, même dans les périodes de grand scepticisme, un phare civilisationnel incorruptible sur ce plan.

J’avoue que c’est cette Tunisie que j’aime et que je défendrai. Je découvre d’ailleurs que je ne suis pas seul dans cette conviction. Et c’est alors l’extrême satisfaction de se reconnaître dans la seule dimension d’un cœur qui bat au diapason de la foule immense qui est du même amour. Amour de cette Tunisie pour laquelle c’est ô combien heureux de pouvoir vivre ! Et, si besoin est, c’est pour elle aussi qu’il n’est pas moins heureux de mourir !

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