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  • 22/04/2019 à 16:19

Chronique : Ben Salah et son temps ! Fenêtre sur l’Histoire

Chronique : Ben Salah et son temps ! Fenêtre sur l’Histoire

Par Mansour M’henni


Quand un livre paraît, c’est toujours un événement, plus ou moins important en fonction du nombre de gens qui s’y intéressent d’une manière ou d’une autre. Or nous savons que, par les temps qui courent, ce nombre est souvent fonction de la mobilisation médiatique qui accompagne la parution du livre et qui n’est pas toujours un critère de qualité.

Ainsi, bien que d’une importance facile à prouver, le livre Ahmed Ben Salah et son temps, récemment paru chez Nirvana, en langue arabe, et dû à Salem Mansouri, ne semble pas retenir particulièrement l’intérêt des médias nationaux. N’empêche que là où il est présenté, il suscite des débats des plus animés et des plus intéressants entre gens de différentes générations et d’appartenances politiques variées. En effet, portant sur l’une des expériences politiques les plus épineuses en Tunisie, celle des coopératives, et sur une des personnalités les plus en vue au regard de plusieurs facteurs, dont le procès différemment perçu au moment de son déroulement et aujourd’hui encore, en l’occurrence Ahmed Ben Salah baptisé « M. le Ministre de Tout », ce livre très documenté, bien écrit et solidement construit ne se présente pas seulement comme un plaidoyer cherchant à réhabiliter l’homme et le projet qui lui aurait été « abusivement attribué », mais surtout comme une invitation à repenser les moments difficiles de notre histoire en vue d’y trouver peut-être une quelconque lumière qui éclairerait notre marche vers l’avenir.

Dimanche 21 avril 2019, sur une aimable invitation de l’Union régionale des Ecrivains Tunisiens de Monastir et de la municipalité de Moknine, j’ai eu à présenter ce livre dans la ville natale d’Ahmed Ben Salah, en présence de l’auteur du livre et d’un public on ne peut plus hétéroclite, brûlant d’un grand besoin de s’exprimer, mais presque totalement acquis pour la cause de l’homme dont les qualités morales, intellectuelles et militantes n’ont jamais été mises en cause. Comme on peut l’imaginer dans une pareille circonstance, l’exploitation politique de l’événement est inévitable, surtout que l’ancien grand ministre de Bourguiba est le président fondateur du « Mouvement de l’Unité  Populaire » qui cherche difficilement à prendre un pied solide sur la scène politique tunisienne. Par ailleurs dans la discussion, c’est un peu la raison locale qui l’a emporté sur la raison nationale et c’est aussi le culte de la personnalité qui a ressurgi de façon déconcertante, heureusement atténué par le neveu de l’homme politique, Dr. Ben Salah, et par le président de la Municipalité, M. Mongi Chérif.

Cette rencontre, instructive à plusieurs égards, me semble permettre certaines conclusions générales dont voici les principales :

¤ Il va sans dire que M. Ahmed Ben Salah a connu de dures épreuves liées à sa montée en flèche, d’abord à la tête de l’UGTT (Secrétaire général à moins de trente ans), ensuite à la tête du gouvernement et peut-être avec l’ambition d’être à la tête de l’Etat comme on a pu le supposer dans le temps, ce qui est somme toute humain et légitime. A sa chute, tous ses collègues ou presque se sont retournés contre lui et ont été du spectacle de sa condamnation, à des degrés variés et avec des rôles divers, au moins par un silence et une indifférence complices. L’objectivité plaide alors pour sa réhabilitation historique mais sans le décharger totalement d’une responsabilité incontournable dans le déroulement des choses, et c’est en étudiant sereinement et rationnellement cette situation historique particulière que l’on peut éthiquement donner à César ce qui est à César, pour ce qu’il doit et ce qui lui est dû.

¤ Cependant, au-delà du cas strictement personnel de M. Ahmed Ben Salah, en tant que citoyen ayant ses droits et ses devoirs et en tant qu’ancien responsable politique passible tout autant de justice et de révision de procès, il y a la Tunisie dont le destin ne peut se confondre avec celui d’un de ses enfants fût-il le plus génial et le plus intelligent. A ce titre, il est par trop suspect d’entendre dire, à pareille circonstance, que les principaux acquis de la Tunisie moderne sont dus à M. Ben Salah et que le salut de la Tunisie passe nécessairement par un retour à la politique de développement telle que préconisée par lui dans le giron de l’UGTT et mise en application sous le couvert de Bourguiba dans les années soixante. Si la Tunisie a choisi aujourd’hui la voie de la transition démocratique, les différents modèles de développement préconisés par les uns et par les autres doivent s’inscrire dans leur relativité obligée et doivent constituer l’objet d’un débat public afin que la société en dégage une synthèse aussi consensuelle que possible et que tous les citoyens s’engagent à réussir sa mise en application en toute responsabilité et en toute imputabilité.

C’est pour et dans une telle démarche que le livre de S. Mansouri sur Ben Salah peut trouver son importance en tant que fenêtre sur l’histoire à même d’informer et de servir le futur de la société.

 

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