Chronique : Le Sommet de Panama (10-11 avril 2015)

Par Khalifa Chater

 Le septième Sommet des Amériques, les 10 et 11 avril au Panama   a été marqué par la première rencontre  officielle entre Barack Obama et son homologue cubain, Raul Castro. Il ne s’agit plus, comme aux funérailles de Nelson Mandela, en décembre 2013, d’une poignée de main furtive (mais devant les caméras). Pour la première fois, les chefs d’Etat des deux voisins brouillés depuis un demi-siècle ont pris le temps de se parler et d’évoquer les négociations en vue du rétablissement de leurs relations diplomatiques. D'ailleurs, cette rencontre a aussi marqué le grand retour de Cuba au sein des grand-messes américaines, dont La Havane était écartée depuis leur création en 1994. La guerre froide tropicale est-elle  révolue ?

Après l’accord-cadre avec l’Iran, Obama a gagné son second pari, par son rapprochement avec Cuba. Ses succès diplomatiques, contrecarrés par le Congrès de Washington, lui ont permis d'arriver en position de force au Sommet de Panama. Il répond aux vœux de l'ensemble des pays d'Amérique latine qui réclamaient à l’unisson, depuis des années, la réintégration de Cuba aux instances régionales, comme l’Organisation des États américains (OEA), prête à accueillir à nouveau les représentants de La Havane. Le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba aurait été favorisé la médiation du pape. Argentin, d'origine, il reste un médiateur apprécié, par la diplomatie latino-américaine. Quelle importance accordée au Sommet de Panama ? A l'instar des Sommets continentaux, il s'agirait plutôt d'une grande messe diplomatique. Ses motions finales constituent des vœux pieux. Derrière une unité de façade, l'Amérique latine est divisée. La politique étrangère du Brésil a été affaiblie et redimensionnée, par la nouvelle présidente Dilma Rousseff. On lui reproche son rapprochement avec la Russie, sur les questions de l'Ukraine et de la Syrie. D'autre part, elle s'est abstenue d'intervenir sur les conflits régionaux, à savoir les disputes entre ses voisins argentins et uruguayens. Le Mexique fait des efforts discrets pour relancer sa diplomatie, à travers la participation, pour la première fois, à des forces des Nations unies en Haïti ou au Sahara, malgré une tradition de non-intervention. L’adhésion à l'Organisation internationale de la francophonie devrait permettre aux Mexicains d’élargir leurs relations diplomatiques. L'Argentine assume son rang modeste, en dépit de l’obsession des Malouines et les complaisances avec Téhéran et Moscou. La Colombie est préoccupée par le règlement de son conflit armé intérieur. Le Chili, l’Uruguay ou le Pérou se sont résignés à un rang modeste. Quant au Venezuela, il se complait dans son antiaméricanisme. L'intégration régionale est hors de question, contrariée par les forces centrifuges dominantes. Lors du Sommet, le président américain Barack Obama a affirmé que le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba marquait "un tournant" dans l'espace américain. "Le changement de politique (américaine) envers Cuba marque un avant et un après dans l'hémisphère (...) Le fait que le président Castro et moi soyons assis ici aujourd'hui représente un évènement historique", a déclaré le Président américain, dans son discours devant une trentaine de chefs d'Etat. La nouvelle donne, qui scelle le rapprochement entre Washington et La Havane, induirait vraisemblablement une révision de la politique américaine des USA. "Le fantôme de Cuba était présent dans toutes les relations bilatérales et multilatérales entre les Etats-Unis et l'Amérique latine. Et à partir de maintenant ce fantôme a disparu", explique l'expert Santiago Canton, responsable du centre Robert F. Kennedy pour la justice et les droits de l'Homme. Cette rencontre aurait, sans doute ses effets d'entrainement dans l'aire panaméricaine, affirmant une politique de coexistence, de solidarité et pourquoi pas de co-développement !