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  • 23/02/2021 à 09:57

Conscience de responsabilité et responsabilité d’obéissance

Conscience de responsabilité et responsabilité d’obéissance

Par Mansour M’henni

Dans l’esprit et dans le sentiment de la plupart des Tunisiens, ceux au moins qu’on voit et entend s’exprimer en public ou en privé, il y a un état de déception allant jusqu’à l’abattement et au désespoir quant à la situation générale du pays et à son cheminement politique en cours. 

Autant dire qu’il y a comme un rejet, qui ressemble à un dégoût, vis-à-vis des responsables, des cadres et des partis politiques, tous en pleine fanfaronnade dans les médias, mais sans réelle efficience ni solide argumentation de ce qu’ils chantent à tout bout de champ.

C’est à se demander s’il ne s’agit pas, au fond, d’un vrai complot contre la structure étatique de la Tunisie et s’il n’y a pas une intention délibérée de la pousser vers la débandade et l’anarchie. Car quand il est excédé, un peuple devient imprévisible et ses réactions incontrôlables. Celles-ci peuvent aller des infractions dont on chercherait à minimiser l’effet sous la fâcheuse dénomination de « faits divers » jusqu’au terrorisme de diverses variantes ou à la mutinerie généralisée. Mais qui voudrait d’une Tunisie pareille ? S’il y en a au sein de la société tunisienne, il ne s’agirait que de personnes inconscientes, aveuglées par des tentations malsaines et des alliances suspectes.

Toujours est-il que les Tunisiens sont majoritairement soit dans un désespoir bouillonnant, soit dans une froide indifférence qui couve peut-être un incendie latent. A peine croient-ils tenir un bout de la corde du salut souhaité qu’une bourrasque vient balayer devant eux toutes les lueurs lumineuses et les faire sombrer dans les ténèbres de la défiance ravageuse. Et pendant qu’ils sont en train de se ronger de l’intérieur, de se broyer la cervelle, le cœur et les reins, ceux qui détiennent leur sort entre leurs mains sont en train de jouer à l’escrime verbale, comme dans une farce de mauvais goût destinée à tourner en une tragi-comédie.

Une ultime conviction se dégage quand même de ces dix dernières années de la Tunisie, normalement promue à un statut unique en matière de conduite de la « seule véritable transition démocratique » née d’un « Printemps arabe » qui semble ainsi nommé par antiphrase. C’est la conviction d’un flou conceptuel qui dénote une vague intelligence et un usage abusif de certains concepts clés de la vie en société, comme la liberté, la révolution, la démocratie, etc. Mais ces derniers temps, c’est le concept de « compétence » qui baigne de plus en plus dans la mare du flou, pour le plaisir d’un monde fou du plaisir de la manipulation des foules. Le dictionnaire Le Robert nous donne ce sens du mot compétence : « Connaissance approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger ou de décider en certaines matières ». Quant au Ministère de l’éducation du Québec, dans son « programme de formation de l’école québécoise » en 2001, il définit ce concept comme un « savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de ressources ». Il y a donc bien un accord sur le fait que la compétence est un savoir et un savoir-faire. Cela tout le monde en conviendrait, sauf que dans notre contexte actuel où le politique envahit tout, on voudrait que, partout en lieux de responsabilité, la compétence soit d’abord politique. Du coup le savoir n’a plus qu’une valeur symbolique et le savoir-faire n’est plus un savoir-agir pour l’intérêt de l’entreprise, du secteur ou pour l’objet de la responsabilité, mais pour l’arrière-fond idéologique et politique de celui qui est considéré comme le donateur ou l’attributeur de la responsabilité. Et ainsi, celle-ci n’a plus à répondre d’une conscience de responsabilité mais d’une responsabilité d’obéissance.

Voilà l’endémie actuelle de notre pays et elle serait plus ravageuse que la pandémie de la covid. Quand et comment nous en sortir ? A vous la réponse, car en démocratie, tout citoyen a un avis respectable sur le destin de son pays, donc la compétence d’entrevoir la sortie, dès qu’il se reconnaît sincèrement en pleine conscience de sa responsabilité citoyenne, avant tout devoir d’obéissance mécanique à une commande politique.

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