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  • 21/09/2021 à 15:34

Crise de la démocratie en Tunisie

Crise de la démocratie en Tunisie
Par Mohamed Salah LAATIL, Sociologue



Actuellement, pas moins, pas plus que dans tous les temps, la Tunisie vit une crise politique qui ne cesse de s’amplifier d’un jour à l’autre.
D’aucuns, font de cette crise un thème de débat et essaient de comprendre ses raisons, ses manifestations, ses conséquences et proposent certaines idées qui permettraient de s’en sortir.
Parmi ces intellectuels tunisiens, je peux citer le sociologue Ridha BOUKARAA, et les professeurs Hammadi RDISSI ET sahbi KHALFAOUI …Nous pouvons citer aussi, des chercheurs et responsables français comme Chantal MOUF, Marc LAZARE, Jean Luc MELENCHON, Rosia VALON, Ernest LACLOS…
Le sociologue Ridha BOUKARAA a voulu  insérer ce thème dans son contexte socio politico économique mondial.
En effet, pour lui, ce thème traduit une réalité sociologique.
Il s’agit en fait, d’une vague mondiale qui n’a pas épargné la Tunisie suite aux changements dans le système économique mondial donnant lieu à une effervescence intellectuelle qui tourne autour de divers thèmes comme celui de la démocratie, des stratégies de la conquête du pouvoir en insistant sur l’émergence d’un nouveau phénomène à savoir, la populocratie. 
Cette effervescence intellectuelle et politique a démarré en Europe à partir de la révolution de 1789.
Ace propos, Ridha BOUKRAA cite Napoléon BONAPARTE qui incarne, selon lui, cette effervescence dans l’état de droit.
Quand il est venu conquérir l’Allemagne, le philosophe allemand, HEGEL, l’a aperçu ; il a dit : " J’ai vu l’esprit passer à cheval " ; car l’homme, commence à se penser par lui-même en tant qu’acteur.
Il y a en Allemagne, une rupture épistémologique qui traduirait un passage d’un paradigme à un autre, il s’agit bien du passage du paradigme communautaire, totalitaire qui exalte ces valeurs identitaires enracinées dans la nation à un paradigme de lumière, un paradigme universel.
Cela traduit à juste titre la distinction entre civilisation universelle avec un code civil du droit positif basé sur la liberté dans toutes ses formes d’un côté, et de l’autre côté une culture communautaire et identitaire.
Le 19ème siècle était donc un autre moment,.
C’était un moment républicain imprégné de réflexion sur la république.
Emile DURKHEIM, qui était parmi les fondateurs de la sociologie s’érigeait contre la démocratie.Pour lui, la société est un ensemble différent où l’Etat incarne la raison dans la société.
Victor HUGO s’affichait aussi hostile même à la démocratie. Il était pour la république son républicanisme lui a coûté l’exil, ordonné par Napoléon III.
Pour Marx, la démocratie a pour vocation d’exprimer la volonté du peuple, c'est-à-dire de la société sans classes où la société forme une seule classe.
L’Etat, instrument de domination d’une classe, n’a plus une raison d’exister dans une société sans classes. Sinon l’Etat serait en clin à trahir une classe s’il s’érige au service d’une classe seulement.
Pour DURKHEIM, il y a donc tension entre démocratie et république.Puis renaît un autre moment historique grandissant le phénomène du populisme qui est considéré alors comme une stratégie de conquête du pouvoir en dernière finalité.
Ernest LACLOS, Chantal MOUF s’affichent indéniablement théoriciens du populisme Pour Chantal MOUF, ce populisme serait une stratégie de conquête du pouvoir avec des mécanismes plus ou moins avoués.
Il s’agit bien, de la néo libéralisation de la social-démocratie conduisant à une crise du néolibéralisme de conquête du pouvoir.
Ce néolibéralisme ne tarde pas a se transformer en mercantilisme.
Il s’agit bien de l’autogestion des années 60.Cela a coïncidé avec la concomitance du POPULISME aux USA, en Italie, en Europe de l’Est comme la Hongrie … On se rend petit à petit compte de la résurgence d’une certaine hostilité à l’élite, aux intellectuels, au savoir, au nationalisme.
Ce qui a entraîné ipso facto la radicalisation dans le sens de la gauche du protectionnisme et une hostilité aux valeurs universelles du droit de l’homme, au savoir et à tout cet héritage de *l’agnotologie.  
Le problème, c’est que cette fusion qui n’a pas duré longtemps, a conduit à l’échec du socialisme de gauche et a favorisé le socialisme de droite. 
Pour Chantal MOUF, le populisme de gauche n’est pas pour la radicalisation de la démocratieRosia VALON, dans une démarche hégélienne, conçoit un idéal type du populisme.
Ce leader est une représentation incarnée contre le parlementarisme de droite.
Or les politologues, les sociologues tunisiens ou français qu’ont le mérite d’analyser les causes et les vicissitudes du populisme en Tunisie n’ont pas fait allusion aux causes intrinsèques et spécifiques à la Tunisie et peut être même aux pays arabo-musulmans, de l’échec de la démocratie en Tunisie.
Ils ont fait économie du concept de  personnalité de base tunisienne. Ils n’ont pas évoqué comme il se doit l’absence de la liberté et du droit de l’homme.
Les Tunisiens, comme ces arabo-musulmans auront fait l’exaltation de la tradition, du passé tout court, sans projection sur l’avenir.
Pour eux, la vérité serait derrière eux, ils croient que tout ceux aui marchent devant, tournent le dos vers les suiveurs, c’est tout ce qu’ils méritent, disent-ils.
On remarque donc, que dans notre culture, il y a absence d’un Hegel prônant que la vérité n’est pas derrière nous, mais elle est devant nous.
En outre, nous ne devrions pas perdre de vue la manière dont El Khoulafa Erachidine ont pris le pouvoir, l’un après l’autre, suite au décès du prophète Mohamed.
Il s’agissait d’un accès sanguinaire au pouvoir, à l’exception du premier calife Aboubaker.
En outre, il y a absence totale des facteurs conduisant à une démocratie caractérisée par la liberté d’opinion, la tolérance, le respect de l’opinion de l’autre, tout court d’un amalgame périlleux du fanatisme, de l’extrémisme, de présomption …Nous serions toujours en présence de ce que Ibn KHALDOUN, le premier fondateur de la sociologie, appelait l’esprit agnatique Il s’agit bien, d’une cohésion sociale fondée à tort ou à raison sur des liens de parenté ou de sang selon la formule :Soutiens ton frère qu’il soit en juste cause ou même débouté, autrement dit qu’il ait raison ou tort, soutiens ton frère toujours ou encore.
Bref, le populisme comme s’affirme Ernest LACLOS n’est pas un mode de gouvernance, il n’a ni parti politique ni programme clair.
C’est tout simplement, un style de gouvernance qui ne conduit à aucune forme de démocratie.
Malheureusement, nous sommes encore là, s’agit-il donc, d’une survivance d’un déterminisme qui pèse lourd sur notre inconscient collectif nous empêchant de nous transcender.
L’intelligence tunisienne saura certainement, un jour ou l’autre, avoir dans notre pays raison, dans cette problématique s’agissant de l’avenir de nos générations montantes et non d’un jeu subtile de positionnement sur l’échiquier politique national ou éphémère.


Mohamed Salah LAATILSociologue


   * Agnotologie : La science de l’ignorance.

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