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  • 25/09/2018 à 09:57

De la dernière interview télévisuelle du Président de la République

De la dernière interview télévisuelle du Président de la République

Par Mansour M’henni

Très nombreux sont les Tunisiens et les Tunisiennes qui, aussitôt terminée l’interview télévisuelle du Président de la République sur El Hiwar Ettounsi, n’ont pas tardé à débiter leur dépit et à manifester une sorte de colère, longtemps contenue peut-être. Il y avait sans doute de quoi.

Je pense d’abord que plusieurs Tunisiens, qui ont sans doute pour la plupart voté BCE en 2014, sont encore formatés à l’image d’un président détenant tous ou au mois l’essentiel des pouvoirs exécutifs de l’Etat, de façon à pouvoir même ou à se permettre d’empiéter sur les autres pouvoirs, notamment le législatif. Ils oublieraient ainsi ou ne tiendraient pas compte de la constitution de 2014 qui est censée réglementer le fonctionnement de la société tunisienne et que plusieurs voix appellent à changer, le Président en premier. Ils ont donc trop attendu d’un président qui ne pouvait donner que ce qu’il avait, mais qui s’avère n’avoir pas grand-chose à la fin, constitutionnellement parlant.

Par ailleurs, le Président paraissait insinuer qu’il n’avait pas l’intention de parler officiellement, autrement il aurait donné un discours ou une allocution sur la chaîne publique, en partage ou non avec les chaînes privées. L’interview a été présentée, à sa fin, comme un geste de complaisance fait à Meriem Belkadhi (et à travers elle, à la chaîne) ! A croire qu’il s’agirait d’une conversation à bâtons rompus ?! Bref, tout dans ce (talk) show politique exposait le poids lourd de l’insoutenable légèreté de l’être, dans une fonction présidentielle habillée des honneurs classiques, mais gravement rapetissée dans son pouvoir décisionnel ! « Révolution oblige » ?! Heureusement, disent les uns ! C’est malheureux, disent les autres.

N’empêche que la plupart des Tunisiens, au moins ceux qui ont eu foi en BCE, attendaient de lui une initiative, forte de son influence morale, à même de détendre le climat politique et social et de redonner plus d’élan à la timide reprise économique. Il y en avait même qui voulaient le voir focaliser son propos sur le drame de Nabeul et minimiser, par une initiative heureuse, les distances entre les principaux acteurs politiques et sociaux. Il n’en a certes pas été ainsi, mais, pour l’heure et pour l’essentiel, on peut chercher à savoir ce qu’il conviendrait de retenir de cet entretien qui ne serait pas venu pour rien et qui, à y voir de plus près, marque un bouleversement caractérisé dans le paysage politique tunisien.

De toute évidence, il y a la confirmation de l’information, déjà dans le vent, d’une rupture consommée entre Ennahdha et BCE. Un journal de la place aurait écrit déjà : « Ennahdha lâche Béji Caïd Essebsi ». Ironie du sort ! Il y a évidemment la reconnaissance implicite d’un changement de rôles pour ce qui est de la détention du pouvoir effectif !

A l’occasion, BCE lâche, lui aussi, son parti qu’il a fondé et à la tête duquel règne encore son fils, peut-être comme un roi sans royaume au vu des démissions répétées et en masse, et de la revendication, par son groupe parlementaire, du départ du fiston du président ! BCE avait ses raisons et il a sans doute raison de le faire s’il veut sauver sa sortie, et il dit vouloir la sauver en respectant la constitution et en restant en dehors des conflits. Cela ne l’empêche pas de proposer la sortie de son fils légitime (Hafedh) et de son ex-fils adoptif (Youssef) de la scène politique, « pour le bien de la Tunisie », insinuerait-il ! Mais dans une démocratie, cela ne se décide pas sur une simple suggestion présidentielle, qui ne saurait être prise pour une suggestion totalement désintéressée.

Ce qui est heureux, c’est l’affirmation du respect des dates des prochaines élections (encore faut-il que l’ARP le veuille !), tout en laissant planer le doute sur son éventuelle candidature en 2019. Mais tout le monde, BCE en premier, sait désormais qu’il ne se présentera plus.

Tout au plus, serait-il heureux de voir Youssef Chahed ne pas s’y présenter ! A croire qu’il ne lui pardonne pas de voler de ses propres ailes et, en plus, de gagner du terrain ! En tout cas, c’est ce qui ressort de l’interview du président de la République.

De toute façon, il est trop tôt pour se livrer à des pronostics sur cette question. L’interview aura déclenché, peut-être en biais, toute une dynamique de restructuration du paysage politique national. Attendons un peu pour voir.

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