Et cette polémique autour de Mahmoud Messaadi !?

Par Mansour M’henni

La polémique autour de l’enseignement des écrits de Mahmoud Messaadi en classe du baccalauréat continue d’occuper les commentaires avec des tonalités variées et des opinions divergentes. Autant redire que cela constitue un signe de bonne santé intellectuelle parce que la pensée ne se développe que par et dans la conversation des idées.

Certes, la polémique en général, et celle-ci en particulier, ne se plie pas facilement à la logique conversationnelle, tellement la dialectique passionnée et la rhétorique calculée y trouvent leur univers de prédilection et le terrain propice à l’exercice de leurs moyens. Mais cela aussi peut stimuler des façons plus sereines de poser le problème et d’en tirer les conclusions idoines.

Il m’a été donné, précédemment, de développer ma modeste vision des choses et il n’est sans doute pas superflu d’y revenir pour contribuer à la discussion en cours, et pourquoi pas à la mobilisation collective pour la révision de notre système éducatif et de ses programmes, ainsi que pour l’approfondissement de la pensée autour du rôle sociétal de la culture et de la façon la plus efficace de la mettre en pratique.

De ce point de vue, je crois pouvoir noter qu’il est injuste et malheureux de chercher à rabaisser l’image et la valeur d’un créateur de haut calibre comme feu Mahmoud Messaadi, sans parler de ses autres qualités et contributions dans le devoir de citoyenneté. Sur le plan littéraire, M. Messaadi reste une sommité incontestable, ce qui permet de le compter parmi les grands noms de la littérature arabe, indépendamment des opinions que certains peuvent avoir à son égard pour des considérations qui ne sont pas toujours forcément littéraires.

Quant à celles se disant d’ordre littéraire, elles sont à relativiser en fonction des perspectives de leurs auteurs et de leurs partis pris. Cela étant dit, il n’est nullement interdit de discuter et même de remettre en cause la place que les textes de Messaadi prennent dans les programmes de notre système éducatif.
Les critiques de ce genre contestent l’effet de formatage des esprits des élèves à l’esprit de l’école littéraire de Messaadi, pour autant qu’on accepte qu’il ait fait partie d’une quelconque école littéraire.

L’argument nous paraît fragile parce que Messaadi, à notre connaissance, est programmé à partir du niveau du baccalauréat, donc à l’âge de 18 ans au moins, l’âge des grandes interrogations, et en coordination avec le programme de philosophie où la pensée des interrogations existentielles est abordée, notamment à partir de textes de Kafka, de Camus, de Sartre, de Kierkegaard, de Merleau-Ponty, de Simone de Beauvoir, etc. Il serait incohérent alors d’appeler à une exclusion de Messaadi au nom de la « mort des pères » et de celle des « grands- pères », parce qu’une culture couvre à la fois les ancêtres, la génération présente et les générations à venir.

On peut donc alterner les textes et les noms enseignés : de Messaadi, ne pas se fixer sur « Le Barrage », et des autres auteurs, dans cette création qui combine les questions de littérarité avec celles des grandes pensées, on peut songer à Slaheddine Boujeh, à Ezzeddine Madani, etc. Mais aussi à de jeunes auteurs de qualités confirmées, du point de vue de la forme et de celui du contenu.

Pour tout dire, les programmes d’enseignement doivent mobiliser l’attention collective et engager la réflexion de plusieurs intervenants, multisectoriels, le tout coordonné par une instance de conduite du projet comme celle du Conseil Supérieur de l’éducation et de l’enseignement, avec les garanties nécessaires d’une sélection objective de ses membres.

Mais cela ne devra pas négliger les apports médiatiques même quand ils paraissent de peu d’apport, car même des idées et des opinions paraissant totalement négatives sont à même d’inspirer et de stimuler une pensée constructive, quand on sait en dégager l’apport, aussi minime soit-il.