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  • 22/04/2025 à 08:46

Héritage et patrimoine

Héritage et patrimoine

Par Mansour M’henni

Comme tous les ans, la Tunisie fête le mois du patrimoine au début du printemps comme pour signifier que chaque réanimation du patrimoine constitue une nouvelle germination culturelle vers l’avenir et vers la quête du bien-être collectif. Encore faut-il avoir cette conscience que le patrimoine n’est pas simple héritage, mais une vraie mémoire d’avenir. Il importe de rappeler à chaque fois qu’il convient de le prendre ainsi.

Il y a une attitude de méfiance à l’égard du passé chez de nombreux concitoyens ; c’est à se demander pourquoi on enseigne l’Histoire ! La question n’est pas tout à fait de provocation gratuite, mais il serait bon de la poser autrement : c’est à se demander d’abord comment enseigner l’Histoire. D’ailleurs, il en est de l’enseignement de l’Histoire comme de toute matière : soit la prendre comme un exercice de stimulation et de développement de l’intelligence, plus qu’un bachotage stérile de connaissances non digérées. De là la différence entre l’héritage et le patrimoine.

En arabe, on distingue Al-Irth ou Mirath, ce legs matériel légué par un mort au profit de sa succession pour une exploitation personnelle, du Tourath qui est une richesse matérielle et immatérielle, nourrie de l’intelligence du passé et fécondant l’intelligence du présent, partagée par l’ensemble d’une société donnée en vue d’un transfert logique vers l’avenir. C’est pourquoi, l’un des comportements les plus contraires à l’idée du patrimoine, c’est celui de sa dénégation au nom d’une entière indépendance du présent. On voit alors des jeunes obstinés à effacer ou au moins à se détourner des acquis du passé sous prétexte de construire l’avenir en soi, « sans l’aliéner » au passé. Qui parle d’aliéner ? C’est à trop intérioriser la notion d’aliénation qu’on devient aliéné par une idée fixe, fermée à toute conversation et à toute interrogation. Et c’est à savoir interagir, au présent, dans une intelligence à la fois mémorielle et prospective, qu’on s’inscrit dans la logique du temps qui est temps justement par ces trois étapes de son cours : le passé, le présent et l’avenir.

Un peuple sans passé est un peuple sans avenir, dit un proverbe qu’il serait certes bon de ne prendre tel quel, mais qu’il conviendrait d’adapter à la logique rationnelle de l’Histoire. N’empêche qu’en profondeur on y trouve des éléments instructifs de la pensée de la mémoire en rapport à l’avenir. Et c’est cette pensée enrichissante qu’il importe de mettre en valeur dans les cérémonies et les festivités liées à la commémoration des dates symboliques liées au patrimoine matériel et immatériel.

De ce point de vue, la gestion du patrimoine est souvent rattachée à la gouvernance économique, tant dans les secteurs du tourisme et du commerce que dans celui de l’action culturelle. C’est dans la logique des choses et c’est en le faisant qu’on valorise le patrimoine comme un adjuvant du développement et qu’on pérennise l’intérêt à lui porter. Toutefois, cela ne devrait pas minimiser, ni surtout marginaliser, le patrimoine comme un vivier d’intelligence, de sensibilité et de conscience. C’est pour cela qu’il reste d’abord l’objet d’exploitation heureuse dans le secteur de la culture, qui a la charge de le fêter annuellement et pourquoi pas d’en faire une fête toute l’année durant, sans tomber dans le folklorisme des spectacles de banale consommation.

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