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- 08/06/2020 à 15:15
Hourra donc pour la conscience tunisienne de citoyenneté !

Par Mansour M’henni
En Tunisie, le déconfinement progressif ramène les forces politiques à leurs tiraillements classiques, à tel point conflictuels qu’ils suscitent chez le commun des citoyens encore plus de suspicion et encore moins de confiance, alors que l’épreuve de la pandémie semblait présager d’un changement comportemental chez tout le monde, dans le sens d’une coopération sereine, et pourquoi pas d’une solidarité constructive.
Tout semble focaliser l’attention de nos politiciens sur ce qui fomente la dissension et l’animosité, dans le déni arrogant de ce pourquoi ils sont ce qu’ils sont, des politiciens, en l’occurrence le plus de confort ou le moins d’inconfort possibles, en fonction de la situation de chacun. Cela ne peut signifier qu’une chose, l’absence chez ces politiciens, de vision réaliste de la situation et leur incompétence à trouver des solutions aux problèmes. La raison en est sans doute l’aveuglement idéologique et le dogmatisme sectaire ou sectoriel, mais surtout l’impossibilité de converser entre les actants politiquement différents. Au résultat, à peine sort-on d’une étape électorale considérée comme un grand succès de la transition démocratique, on se retrouve à la contester au nom d’une illégitimité « populairement » attestée.
De ce fait, force est de se demander s’il n’est pas urgent que les Tunisiens, toujours pressés de se proclamer comme un peuple exceptionnel à même de réussir là où tous les autres échouent, songent à tirer au clair, de façon aussi consensuelle que possible, leur définition de la démocratie, leur vision de la démocratisation et leur façon d’y participer et d’y gérer leurs différences dans une convergence impérative autour de l’intérêt général de la patrie et de ses citoyens, tous ses citoyens. Il est nécessaire d’arrêter de considérer l’abstention électorale comme une forme d’engagement, pour que chacun y recoure afin de décréter l’illégitimité d’autrui. A titre d’exemple, sauf le respect qui lui est dû, la gauche tunisienne, avec ses résultats au dernier scrutin, ne peut se prévaloir d’aucun droit de représentativité fiable, en attendant peut-être un regain de conscience, un dépassement de ses symboles et figures classiques et une entreprise de restructuration et de renouveau. Quelque chose du genre, avec moins d’acuité, peut se dire des Destouriens dont seul le Parti Destourien Libre peut prétendre à une représentativité et à un référentiel crédibles et actifs, malgré tout ce qu’on peut lui reprocher par ailleurs, surtout à sa présidente qui semble pêcher par des positions extrêmes et dont la personnalité blesserait la phallocratie obsessionnelle que couve l’inconscient tunisien malgré sa pensée réformiste savamment concrétisée par l’audace bourguibienne.
Au final, à part deux partis dont la cohésion relative viendrait de leur ciment sectaire (Ennahdha) ou idéologique (Ach-Chaab), on peut dire que la plupart des autres partis, ayant une existence réelle sur le terrain, sont des partis de circonstance et d’un pragmatisme improvisé en fonction de l’évolution des choses. Si ces derniers sont de fait voués à un statut étroitement tributaire de leurs coalitions complices ou de leurs positionnements contestataires, les deux partis cristallisés en tant que corps solides, au moins en apparence, autrement dit Ennahdha et Ach-Chaab, paradoxalement trempés dans la même sauce d’un pouvoir tremblant, auraient oublié que leur divorce est naturellement consommé depuis longtemps, au moins depuis Jamel Abderrasser et Sayed Kotb. Ainsi, tout lien entre eux est forcément contre nature et ne peut durer que le temps de l’émersion à la surface des principes inconciliables de leurs natures respectives. C’est d’ailleurs ce qui semble s’esquisser, dans les jours à venir, pour la coalition gouvernementale.
Du coup, nous voici encore dans une Tunisie qui cherche encore ses nouveaux repères politiques, au détriment de l’urgence de son redémarrage économique et du rétablissement d’une relative stabilité sociale. La Covid 19 n’aura finalement rien arrangé dans ce sens, car c’est dans la conscience citoyenne que réside la solution.
Hourra donc pour la conscience de citoyenneté ! Pourvu qu’elle ne tarde pas à se manifester !