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  • 27/08/2018 à 09:15

L'avenir de la Méditerranée, il est général ou pas

L'avenir de la Méditerranée, il est général ou pas

Par Mansour M’henni

Le Premier Forum (Certains disent : Sommet) Moyen-Orient-Méditerranée 2018 sur la jeunesse a été organisé les 25 et 26 août 2018 dans la ville suisse de Lugano, la seconde ville du canton du Tessin, un canton italophone de moins de 400.000 habitants.

L’événement est à l’initiative de l’Università della Svizzera italiana (USI, entendez : Université Italienne de Suisse) qui reconnaît que cet objet « n’entre pas dans la structure classique d’une université », mais qui se dit portée par sa foi dans le « potentiel de la jeunesse et [ses] actifs dans la société civile pour faire avancer la problématique de la région Moyen-Orient-Méditerranée ». Il réunit 150 jeunes de 30 pays, ainsi que de hauts représentants politiques, dirigeants, entrepreneurs et intellectuels. Trop tôt donc de juger de ses réalisations et de ses prolongements possibles, dans les dimensions qui sont les siennes.  

Cependant, au-delà des objectifs propres des organisateurs dont, semble-t-il, celui « d’inscrire le Tisson sur la carte », je ne saurais évaluer l’impact médiatique qu’aurait eu cet événement dans notre pays, sans le message vidéo adressé aux participants par le Président de la République Béji Caïd Essebsi, probablement parce que la Tunisie est l’invité d’honneur de cette première rencontre, d’ailleurs dignement représentée par Sabri Bachtobji, secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires Etrangères. Toujours est-il que, dans notre situation actuelle, même ces petites occasions servent à quelque chose : d’abord à continuer de faire la promotion de l’image indélébile de notre pays, en tant que nombril et l’un des principaux promoteurs de l’idée de méditerranéité ; ensuite à souligner l’intérêt pluridimensionnel de nos politiciens pour la jeunesse. Ce qui m’intéresse ici, c’est encore la question de méditerranéité.

En fait, je l’avais écrit à d’autres occasions, notamment lors du voyage du Président de la République en Italie, Béji Caïd Essebsi reste un méditerranéen de souche pour tout ce qui a fait de lui ce qu’il est aujourd’hui, et surtout par conviction. N’empêche que son message, critiqué sur certains points, a été trop centré sur la jeunesse (politique oblige ?), mais très peu centré sur la Méditerranée (et presque pas sur la méditerranéité en tant que vision), sauf peut-être une phrase qu’on croirait intercalée dans le discours : «L'avenir de la Méditerranée, il est général ou pas ».

L’idée de Méditerranée apparaîtrait certes en filigrane des propositions évoquées à propos des bourses d’étudiants et de l’aide des pays riches aux pays en difficulté ; mais il y a à craindre que cette façon de voir ne nous cloue encore à la conception classique du remorquage des pays du sud du bassin par l’Europe bienfaitrice. Une telle vision fausserait le principe de base d’une méditerranéité égalitaire en droits et solidaire en interactions. Sur les lieux même d’une victoire d’Hannibal sur Rome, à Lugano justement, il manquait au propos du président ces formules dont il a l’usage facile et qui peuvent se charger de plus de sens qu’elles ne paraissent en dire !

C’est en cela que l’idée de concevoir un bloc « Moyen-Orient-Méditerranée » me paraît aussi suspecte que celle d’Euro-méditerranéité dont on a constaté l’échec, en raison surtout de ce présupposé remorquage du sud par l’Europe. D’ailleurs, on sait que le Moyen-Orient est une dénomination occidentale de compartimentage de l’Asie (Proche-Orient, Moyen-Orient, Extrême-Orient), par rapport à une centralité occidentale et pour la bonne gestion de ses intérêts. Or cette vision des choses, qui se comprend du point de vue de ses initiateurs et à laquelle nous adhérons parfois par commodité diplomatique, ne doit pas nous cacher, à nous les pays du bassin, que c’est le concept de méditerranéité intrinsèque que nous devons d’abord revendiquer et sur la base duquel toutes les formes de coalition, géostratégiques ou autres, peuvent se concevoir.

C’est là que j’en appelle encore, comme je le fais depuis un quart de siècle au moins, à notre conscience de méditerranéité pour initier ou relancer les démarches conduisant vers la consécration du concept de méditerranéité et vers la concrétisation de ses prolongements pluriels, dans cette vision si bien définie par BCE : «L'avenir de la Méditerranée, il est général ou pas ».

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