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- 21/12/2016 à 10:26
La culture et (des) partis

Par Mansour M’henni
Partant de la conviction que la question culturelle est une question citoyenne impliquant tout le monde, et de l’attitude qui est encore la mienne depuis janvier 2011 de rester dans l’indépendance partisane en fait d’implication politique,L’intention était noble, sans doute, surtout que la participation n’était nullement assujettie à une quelconque adhésion au parti organisateur, et il serait souhaitable que toutes les structures de la vie civile, partis et associations surtout, s’impliquent sincèrement et profondément dans des débats sur la culture et que d’un autre côté, tous les acteurs culturels y participent de la position et du statut qui sont les leurs.
Trois axes ont été proposés à la discussion en vue d’un rapport final qui serait une sorte d’argumentaire des prochaines rencontres programmées dans différentes régions du pays : A-t-on vraiment une politique culturelle en Tunisie ? Quels sont les fondements sur lesquels peut s’édifier une politique culturelle en Tunisie ? Comment la culture peut-elle devenir productrice de la richesse ?
Si l’on définit la culture comme l’ensemble des faits et des comportements intellectuels, affectifs et relationnels présidant au vivre-ensemble dans les sociétés, force est de considérer deux niveaux de perception du fait culturel : d’abord un niveau restrictif où la culture serait ramenée soit à la conception classique de la notion de Adab, chez les premiers Arabes, mais intégrant toutes les formes d’expression humaine, soit au panthéon des Muses et des dieux des arts chez les Grecs antiques ; ensuite un niveau plus large où la culture se concevrait comme l’essence, chez chaque citoyen, de toute conscience de soi et toute conscience sociétale. Ainsi, les fondements de la culture pourraient se présenter pour nous de la façon suivante :
En premier lieu, définir le modèle sociétal tunisien en fonction de son interaction avec l’Histoire. Il en découle alors une définition de l’identité tunisienne et de la notion d’appartenance qui lui est étroitement liée.
En second lieu, poser la question du rapport à l’Autre, celui-ci étant de deux sortes : l’Autre interne, c’est-à-dire le concitoyen et l’Autre externe que d’aucuns définissent déjà comme un citoyen monde, non articulé nécessaire à la théorie de la mondialisation et de ses soubassements suspects. De là un système de valeurs y attenantes : la tolérance, l’altérité, le conversationnel, la complémentarité malgré les différences, étroitement liée à la notion de démocratie, et enfin, pourquoi pas la solidarité.
En dernière analyse, un des fondements et non des moindres, c’est la dynamique ontologique qui tend à faire de la culture un vivre quotidien déterminant du sens que chaque citoyen pense donner à son existence.
Le débat s’est davantage concentré ensuite sur les problèmes que connaissent les structures du ministère de la Culture : textes de lois, appui logistique et financier, attentes syndicales des fonctionnaires du ministère, etc. Cela s’est présenté comme une proposition de politique culture, reconnaissant cependant que la seule politique pouvant porter ce nom a été conçue du temps de Bourguiba, dans les années soixante-dix du siècle dernier pour certains, dans les années soixante pour d’autres. Depuis, conclut-on, c’est la même littérature qui est reconduite pour le progrès du secteur et qui n’est jamais appliquée. On a même reconnu que la plus importante consultation culturelle, vraiment démocratique et transparente, à laquelle tout le monde a pris part librement, est celle de 2007, sans que les responsables du secteur s’appliquent vraiment à donner une valeur pratique à ses recommandations finales.
Au terme de ce débat et à voir de près ce qui a été présenté comme une politique culturelle, il paraît d’évidence que cette politique ne diffère en rien ou presque de la politique récemment présentée par le gouvernement via son ministre des Affaires culturelles, unanimement reconnu d’ailleurs comme un spécialiste du secteur et un connaisseur de ses tenants et ses aboutissants. C’est qu’il y a eu un entremêlement de deux registres : celui de la pensée, pour elle-même, et celui du profit politique de cette pensée, ce qui est légitime pour un parti politique. Finalement, ce qui a paru plus important, et ça l’est vraiment, c’est une série de propositions à fournir aux députés du parti pour qu’ils les défendent et oeuvrent à y amener des solutions efficaces.
N’empêche qu’à mon sens, le grand et important débat culturel aujourd’hui est d’abord celui d’une pensée théorique, indépendante de toute spéculation partisane, et les conséquences pratiques que cette pensée mettrait en évidence. Ainsi, on éviterait ce qui serait une culture des partis, même si les partis y participent, alors que notre culture est d’abord et toujours celle de toute la Tunisie, toutes catégories citoyennes confondues.