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  • 29/01/2015 à 12:49

La marmite du gouvernement et le torrent menaçant

La marmite du gouvernement et le torrent menaçant

Par Mansour M’henni 

La marmite du nouveau gouvernement semble bouillonner encore de ce qu’elle contient et de ce qu’elle ne contient pas,

à moins qu’il ne s’agisse de tout mettre dedans, à la manière de la « chakchouka » de chez nous qu’on accuse à tort d’être un fourre-tout.

Après un premier coup d’essai qui s’est avéré un coup de peigne, Habib Essid devrait cette fois réussir un coup de maître s’il veut sauver son image et sa mission, et par ricochet l’image de la mouvance qui lui a fait confiance. Comme la première combinaison (combine pour certains) a été trop peu partisane pour un gouvernement censé être politique, après des élections sur programmes de gouvernement, d’où son rejet anticipé avant même son passage à l’assemblée des représentants du peuple, il paraît que le président du gouvernement en charge s’oriente actuellement vers un gouvernement où tout le monde s’attend à y prendre place, plus ou moins à concurrence de sa représentativité électorale. Au nom d’un gouvernement d’unité nationale !

Posons-nous d’abord une première question à ce propos : l’unité nationale suppose-t-elle la neutralisation de l’opposition ? Je pense tout le contraire, car si l’on part de cette idée saugrenue de vouloir mettre tout le monde de son côté, on risque de donner la preuve qu’on n’a rien tiré des leçons de l’Histoire et de faire naître le soupçon que celle-ci n’est qu’un éternel retour du semblable. Or, dans la Tunisie actuelle, après tout ce qui s’y est fait, ose-t-on, a-t-on le droit de croire qu’à « l’horizon, rien de nouveau » ? Quel gâchis alors et que de méprises !

Si au contraire, comme ce devrait être le cas, on tient à se situer dans une Deuxième République, il y a des valeurs fondamentales auxquelles on ne saurait déroger :

D’abord partir de la conviction que l’exclusion est contraire à la démocratie et que l’opposition, quelle qu’elle soit tant qu’elle s’inscrit dans la logique de l’Etat civil, est une autre forme d’intégration positive, car de perception critique et de proposition constructive, plutôt qu’une forme de sectarisme séparatiste et de scission conflictuelle.

Ensuite, comprendre que ce ne sont pas forcément les nouvelles personnes qui font du nouveau : il en faut certes, mais il n’en faut pas seulement. En effet, la dynamique du progrès est la mécanique intelligente capable de tirer profit des acquis du passé et de corriger ses passer pour mieux construire l’avenir. De ce point de vue, les compétences intelligentes qui ont su servir l’Etat même sous un régime remplacé peuvent, de par le regard contrastif qu’elles peuvent avoir sur les effets et les raisons des choses, s’avérer au moins aussi innovantes que les compétences vierges. D’ailleurs, il n’y a qu’à voir qui continue efficacement, malgré vents et marées, de faire marcher l’administration tunisienne pour s’en convaincre.

Ensuite, le fait de chercher à obtenir un semblant de consensus, en tout cas une plateforme d’appui suffisante pour qu’un gouvernement puisse travailler, ne consiste pas à ramasser pêle-mêle des ministres par-ci, des secrétaires par-là, même sur la base d’une représentativité presque nulle, car singulière ; il s’agit d’abord de conclure un état d’acceptation réciproque conscient de devoir prêter au gouvernement une échéance d’action, indépendamment des postes à pourvoir, mais sous le contrôle vigilent de l’opposition, des médias et de la société civile. Il faut bien croire que cette plateforme assez confortable ne saurait être évaluée au nombre de partis qui la composent. N’a-t-on pas vu sous la troïka, à certaines occurrences, un parti réunir autour de lui des poussières de partis pour paraître en mobilisation large et plurielle ? Arrêtons donc ces simagrées qui n’ont vraiment rien de sérieux pour relever les défis qui nous attendent.

Que tous les intervenants se libèrent de leurs complexes, de leurs narcissismes, de leurs égoïsmes, de que sais-je encore ! Qu’ils prennent tous conscience du torrent que nous avons tendance à prendre pour un écoulement paisible, alors qu’il peut, à chaque instant, déchaîner sa fureur et causer des ravages. De cela, nous serions tous responsables, mais d’abord le parti et les hommes censés conduire le navire à bon port, du fait même de la charge qui leur incombe par le fait d’élections libres et transparentes.

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