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  • 06/07/2017 à 10:17

La politique étrangère française

La politique étrangère française

Pr. Khalifa Chater

L'élection à la présidence française d'Emmanuel Macron inaugure des changements politiques importants. Concerneraient-ils la politique étrangère française. 

Le nouveau président  incarne sans conteste une forme de renouveau. Mais signifie-t-elle forcément une rupture politique ? Au-delà des faits d'annonce  du discours présidentiel, le 3 juillet, devant les deux Chambres du Parlement réunies en Congrès, les voyages du Président et ses rencontres diplomatiques  permettent d'esquisser les grandes lignes de la politique étrangère française actuelle.

Emmanuel Macron a présenté,  à la tribune du Congrès, les "priorités" de son quinquennat. Son grand discours programmatique, qui reprend les grands thèmes de sa campagne électorale,  traite essentiellement les questions internes et relativise la politique étrangère. Donnée essentielle, le Président qui veut refonder l'Europe a fait son apologie : “ Les pays de l’Europe, pour lesquels celle-ci ne se limite pas au marché mais dessine un espace, une certaine idée de la valeur de l’homme, doivent se ressaisir d’un projet décisif et s’organiser en conséquence… Nous devons retrouver le souffle premier de l’engagement européen”, affirma-t-il.  Lors de leurs rencontres, lors du Conseil Européen de Bruxelles (22-23 juin), Emmanuel Macron et Angela Merkel  affirment vouloir redémarrer le moteur franco-allemand de l'U.E. “Assez de gestion de crise. L'Europe est aux choix stratégiques et c'est précisément ce que nous allons faire en Europe, avec Paris” confirme l'entourage de la chancelière. En ce qui concerne l'accueil des immigrés - thème de la surenchère électorale de la droite et l'extrême-droite,  le président français s'en tient aux positions diplomatiques d'antan : “Nous devons aussi mieux endiguer ces grandes migrations par une politique de contrôle et de lutte des trafics de personnes. Il faut pour cela, de manière coordonnée en Europe, mener une action efficace et coordonnée. Il faut accueillir les réfugiés politiques, car cela appartient à nos valeurs, et ne pas les confondre avec les immigrés économiques”. Est-ce à dire qu'il transgresse les positions d'ouverture de Berlin et qu'il confirme la volonté de faire valoir la frontière de la Méditerranée. S'agit-il d'un “discours de convenue”, ménageant une certaine opinion d'extrême-droite, en embuscade ? Le discours humaniste français peut difficilement s'accommoder d'attitude excessive. Trop d'intérêts sont en jeu et en premier lieu, le développement des relations de partenariat avec l'aire méditerranéenne.

Renouveau et continuité : Une certaine continuité marque les relations privilégiées entre la France et les pays du Maghreb, essentiellement la Tunisie, l'Algérie et le Maroc.  D'autre part, les relations ont été très étroites et très régulières avec l'Afrique subsaharienne et essentiellement les anciennes colonies d'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique Centrale.  La visite du Président Macron, le 19 mai, au Mali, principal théâtre des interventions militaires françaises actuellement, atteste  la prise en compte de la nécessité de restaurer la sécurité dans le Sahel :  Pas question d'arrêter ni de diminuer l'action des troupes françaises, qui sont intervenues en 2013 (opération Serval) contre les groupes jihadistes dans le nord du Mali, et poursuivent depuis août 2014 cette mission dans cinq pays du Sahel (Mali, Burkina Faso, Mauritanie, Niger et Tchad). "L'opération Barkhane ne s'arrêtera que lorsque les terroristes seront éradiqués dans la région, et la souveraineté pleine et entière des États rétablie. La clé de tout ça est de construire la paix", a-t-il déclaré avec fermeté devant la presse.

D'autre part, la France a d'excellentes relations avec les USA. Mais la proximité  Macron/ Merkel, pourrait susciter une révision, sinon une redimension des relations franco-américaines. “Nous Européens, devons prendre notre destin, en main”, affirmait la chancelière allemande. D'ailleurs le retrait des USA de l’accord de Paris sur le climat a mis en valeur la démarcation entre les présidents américains et français. L'invitation du président Trump aux fêtes du 14 juillet pourrait colmater la brèche et pour quoi ne pas rapprocher les points de vue.

L'affaire syrienne annonce, d'autre part, une révision de la politique française. Le président Macron a mis fin officiellement à ce que fut une exigence française, depuis le déclanchement des événements en Syrie, en 2011. : Le départ de Bachar al-Assad, comme préalable des négociations de sortie de crise. La politique syrienne devait  connaître une inflexion. Autre donnée, non encore suffisamment explicitée, le président Macron appelle  de ses vœux un partenariat de long terme avec la Russie.

 

Conclusion : Emmanuel Macron, qui a transgressé, en France, la démarcation droite/ gauche semble vouloir engager une politique étrangère, sans à priori idéologique. Il opterait pour “une politique étrangère, basée sur le pragmatisme” (titre de l'article d'Isabelle Lasserre, décryptage, Le Figaro 24-25 juin 2017). Mais pouvait-il se libérer de la pesanteur historique de la politique étrangère française ?

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