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  • 30/12/2015 à 12:29

La reconfiguration du paysage politique français ?

La reconfiguration du paysage politique français ?
Pr. Khalifa Chater

      La recomposition du paysage politique français est à l'ordre du jour. Mais sur quelles bases ? Quelles seraient ses contours politiques ? En s'appuyant sur quelle lecture de la situation et sur quelle vision de la France ? La campagne des régionales s'est déroulée dans le contexte tragique des attentats du 13 novembre de Paris (prés de 130 morts). Constat d'un expert, " l'actualité (française) s'est emballée dans un étrange mélange d'épreuve du réel et d'irréalité, comme une sorte de mauvais rêve qui peine à se dissiper" (Jean-Pierre Le Goff, "en finir avec la démocratie de l'informe", Le Figaro, 19-20 décembre 2015).
     Les élections régionales (décembre 2015) ont révélé la montée du Front National. Il a atteint, le 13 décembre, le score le plus élevé de son histoire, en nombre de voix. Après les 6 millions de bulletins du premier tour, il comptabilise 6.820.147 au second tour. Malgré ses défaites, - un lever de bouclier ne lui a pas permis d'obtenir des présidences de régions - il parvient à élargir son potentiel électoral, repoussant plus haut son "plafond de verre". Entre les départementales de mars et les régionales de décembre, il a progressé de près de 3 points, alors qu’il s’était déjà hissé à un niveau très élevé : 25,2 %. Son audience est aujourd’hui supérieure à celle de la présidentielle de 2012, son précédent record, elle-même au-delà des niveaux de Jean-Marie Le Pen en 2002. Le FN est devenu un grand parti, en termes de pénétration électorale, et, dans certaines régions, il a fallu une coalition dépassant le clivage gauche-droite au second tour pour lui faire barrage. Sa menace pour le PS et pour l'UMP reste considérable dans la perspective présidentielle de 2017.

    S'agit-il d'une remontée conjoncturelle ? Pascal Perrineau, spécialiste de sociologie électorale et auteur de nombreux ouvrages consacrés à l’extrême droite, dont La France au Front (Fayard, 2014), relativise les effets électoraux des attaques des Paris. Il estime plutôt que "le FN structure, année après année, l’électorat de la crise économique, sociale et politique. En dehors des personnes âgées, des cadres supérieurs et des professions libérales, aucune catégorie sociale n’échappe désormais à sa force de pénétration. Le FN domine chez les ouvriers et les employés, progresse dans le salariat intermédiaire et s’étend dans les trois fonctions publiques, notamment la fonction publique hospitalière. Enfin, son ancrage électoral chez les jeunes lui offre des perspectives d’avenir" (Pascal Perrineau, " Les attentats ont donné un sérieux coup de pouce au FN", Le Monde, 21 décembre 2015). Pour l'éditorialiste du journal Le Figaro, le vote FLN serait davantage une expression de colère qu'un acte de ralliement : " Une colère froide, brutale, sans nuance, ni merci. Elle a mijoté trente ans au feu de l'impuissance publique er des échecs gouvernementaux. Elle a emprunté tour à tour le chemin d'une abstention galopante et celui du désaveu systématique de toutes les majorités sortantes. Mais le vote Front National est depuis toujours sa spectaculaire expression" (Alexis Brézet, "vent de colère", Le Figaro, 7 décembre 2015).

     Pouvait-on occulter le message des urnes ? Le paysage politique français subit, de fait, les effets d'entraînement de la crise économique, du développement du chômage, et désormais de l'insécurité. Mais pouvait-on "recomposer pour ne rien changer", s'interroge-t-on ( Natacha Polony, titre de l'article, Le Figaro, 19-20 décembre 2015). Le parti républicain souhaite former une grande coalition: Le rapprochement avec les différentes mouvances du centre, qu'il a opéré, lors des élections régionales a consolidé ses assises électorales. Mais les primaires annoncent un retour des rivalités entre l'ancien président Sarkozy, l'ancien premier ministre Fillon, Alain Juppé, ancien premier ministre et maire de Bordeaux et Nathalie kosciusco-Morizet, ancienne vice-présidente du parti républicain, auréolée de sa récente victoire, lors des régionales. Rien n'exclut d'autres candidats de droite et du centre. Dans le camp socialiste, François Hollande devrait compter avec les frondeurs et les différentes mouvances gauches, communistes et écologistes. Sa proposition de déchéance de la nationalité française, des terroristes binationaux, inquiète les défenseurs du "droit de sol", parmi ses partisans, sans lui assurer le soutien des électeurs de la droite. Même situation à l'UMP, où l'on craint un possible rapprochement avec les options radicales. Peut-on éviter la recomposition du paysage politique par des rapprochements conjoncturels sinon des alliances contre nature ? Conclusion du sociologue Jean-Pierre le Goff : "Il faut que les citoyens puissent se prononcer sur des projets politiques cohérents et distincts, qui ne noient pas le poisson" (Jean-Pierre Le Goff, "en finir avec la démocratie de l'informe", Le Figaro, 19-20 décembre 2015). Mais la lucidité défendue par les hommes politique de la droite et de la gauche pourrait-elle transgresser dans les affrontements électoraux légitimes, les surenchères, les amalgames et les états d'âme ?
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