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  • 13/05/2020 à 17:29

La vie e(s)t l’école

La vie e(s)t l’école

Par Mansour M’henni


 


L’idée m’est venue d’écrire, sur une page des réseaux sociaux,le statut suivant : « La vie, la grande école ! On ne révise pas ses méthodes, car c’est elle qui construit les méthodes. »

 Et comme toute formule qui prête à la devise et à l’aphorisme, mon statut n’a pas manqué de susciter des réactions critiques qui m’ont permis, fort heureusement, un échange fructueux avec leurs auteurs. L’envie me reprend ici de développer davantage mon idée de départ, plus pour approfondir l’échange que pour imposer un quelconque point de vue.
Les commentateurs de mon statut, à partir de sa première phrase « La vie, la grande école ! », ont peut-être raison d’y lire une idée de soumission au fait accompli et d’abandon de soi à un certain déterminisme doublé du sentiment que « tout va bien ».
Pourtant, c’est tout le contraire que je croyais dire ! La langue serait-elle l’espace privilégié du contresens et des malentendus ?
Je préfère croire que la défaillance est dans mes mots et j’essaie de développer un peu plus.
Je crois, comme nombreux d’entre nous, que l’école classique est à revoir, tant dans ses programmes que dans ses méthodologies de gestion et d’enseignement. Elle est même à revoir à partir de l’idée que nous nous en faisons et de l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes, nous qui y travaillons.
Il y a un état d’esprit et des stratégies qui sont à changer selon l’évolution des temps et dans la logique du progrès.
Pour l’essentiel, l’école doit être intégrée dans la logique et dans la dynamique de la vie. C’est la vie qui est l’objectif de l’école et non l’inverse.
A celle qui m’a écrit, en signe de reproche et de contre-argument : « Si ton fils ne réussit pas dans ses études, ne t’en fais pas. L’essentiel, c’est de réussir dans l’école de la vie », je dirai qu’elle ne croit pas si bien dire parce qu’elle a exprimé une grande vérité.
En effet, combien nombreux sont ceux qui n’ont pas réussi à avoir de grands diplômes (et ce n’est sans doute pas toujours de leur seule faute) et qui ont servi honorablement la société, par leur labeur et leur intelligence autrement investis, donnant ainsi un véritable sens à leur vie (dans les deux acceptions du mot « sens »).
Au contraire, combien de hauts diplômés ont dérapé et se sont laissé prendre au piège de la corruption, de la folie de puissance et donc de l’exploitation d’autrui.
On en compte même des Nobel, comme il m’a été de le gloser précédemment dans une autre chronique.
Qu’on le veuille ou pas, comme le dit si bien Christian Bobin : « L'intelligence n'est pas affaire de diplômes. Elle peut aller avec mais ce n'est pas son élément premier.
L'intelligence est la force, solitaire, d'extraire du chaos de sa propre vie la poignée de lumière suffisante pour éclairer un peu plus loin que soi – vers l'autre là-bas, comme nous égaré dans le noir. »
Qu’on se souvienne aussi des mots de Rabelais : « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Ou encore de cette phrase de l’imam Chafiï : « Le savoir n’est pas ce qu’on apprend, mais ce qui rend service ».
Cependant, je le répète, il ne s’agit pas ici de minimiser l’importance du savoir en soi et de la science, il s’agit juste de dire qu’ils n’ont de sens que par leur articulation à la vie dans tous ses aspects et par la preuve qu’ils donneraient de servir au bien-être humain. 
Dire, « aux jeunes et aux enfants », que la vie est une grande école ne signifie pas : « Laissez la vie s’occuper de vous et ne faites rien » ; c’est plutôt le contraire, me semble-t-il ! En vous mettant devant ses grandes épreuves, la vie vous apprend à aller droit vers l’essentiel, sans hypocrisie ni rhétorique, à toujours lutter pour ne pas sombrer dans le désespoir d’un échec scolaire ou autre, à retenir plutôt que tout échec est une clé du succès.
L’école de la vie nous apprend à être libres, dans un ensemble social qui aspire à la liberté solidaire, à la liberté laborieuse, à la liberté respectueuse, autrement dit à un nouvel humanisme.
Dès lors, la principale tâche de l’école devrait consister en une opération de facilitation, pour les jeunes, de leur entrée dans la vie et de leur épanouissement dans son école, à la recherche du bonheur de soi et de celui d’autrui.

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