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  • 06/06/2015 à 10:18

L’Acte héroïque d’un Tunisien à Marseille et l’effet divers d’un fait divers

L’Acte héroïque d’un Tunisien à Marseille et l’effet divers d’un fait divers

Par Mansour Mhenni 

Très peu de médias tunisiens ont consacré l’intérêt qui se doit, me semble-t-il, à l’acte de ce jeune tunisien à Marseille, 

ayant risqué sa vie pour sauver une jeune fille agressée par deux délinquants. En effet, à part le site local madeinsayada.tn, consacré à Sayada, la ville d’origine du jeune homme, et un article sur tunivisions.net, je n’ai pas vu personnellement quelque chose qui soit à la hauteur de la valeur symbolique de ce geste d’humanité, avant d’être un geste de bravoure spectaculaire. Quant aux réseaux sociaux français, ils lui ont accordé une attention particulière et un hommage mérité.

Rappelons les péripéties de l’événement : Lamjed Chakroun, un jeune tunisien de 26 ans, est dans une cabine téléphonique s’affairant à une communication avec son interlocuteur quand il aperçoit une jeune fille coincée par deux jeunes délinquants dont elle ne réussit pas à se dégager, surtout qu’ils sont tous deux munis d’armes blanches. Lamjed n’hésite pas un instant, il interrompt sa communication et s’en va essayer de convaincre les agresseurs de libérer la jeune fille et de ne pas lui faire de mal. On imagine alors la réaction de ces jeunes de 16 et 17 ans. Non seulement ils restent imperméables à ses propos, mais ils s’en prennent à lui et devant sa résistance, ils ne lésinent pas sur les moyens, lui assénant trois coups de couteau dont l’un atteint son poumon.

Lamjed est maintenant totalement tiré d’affaire et il a eu droit à une médaille qui lui est remise par la mairie de son arrondissement, l’après-midi du vendredi 5 Juin 2015, un signe d’hommage qui donne peut-être un plus de chaleur au cœur du jeune tunisien, mais qui ne saurait gommer l’amertume qu’il a gardée en voyant une quarantaine de personnes regardant la scène de violence sans intervenir, « comme s’ils regardaient un film », précise-t-il devant l’objectif d’une télévision française.

Lamjed ne veut être vanté d’aucun héroïsme et, déjà à l’hôpital, il a libéré la jeune fille de tout sentiment de culpabilité à son égard, quand elle était venue s’enquérir de son état : « Mais elle n’y est pour rien et je me serais senti coupable si je n’avais pas réagi ainsi ». Le jour de la médaille, il dit : « « Franchement je ne suis pas un vrai héros, c’était mon devoir de le faire ». Il formule également l’espoir que son geste serve à quelque chose, au moins à en inspirer d’autres, et qu’à l’avenir plus personne ne détournera le regard devant l’agression d’autrui.

Une grande leçon est donc à tirer de l’éthique présidant au comportement de ce jeune homme dont plusieurs congénères s’engagent dans des formations terroristes à couleurs politique et/ou religieuse pour semer la violence et la mort là où ils peuvent le faire. Le premier enseignement est qu’un être humain doit se sentir dans la solidarité nécessaire avec tous les humains injustement agressés et avec tous les faibles et les démunis. On est homme par la communauté de notre destin d’humanité ; s’en écarter, c’est tout simplement aller se perdre sur le terrain de l’animalité sauvage et de la monstruosité.

L’autre leçon, c’est que la violence en général et le terrorisme en particulier, comptent sur l’indifférence générale pour imposer leur empire et soumettre le monde à leur volonté de puissance et de nuisance. En effet, les quarante spectateurs de l’agression à Marseille, se sont-ils demandé, chacun, ce qu’aurait été son sentiment s’il était lui-même à la place de la jeune fille ? De fait, la morale qui préconise la sentence « Après moi, le déluge » n’a rien d’humain ni rien de digne, car l’Autre, c’est moi et le jour où un fléau tombe sur la tête de la foule, ce sont sans doute les indifférents qui y passent les premiers, comme dans La Peste d’Albert Camus.
Ce qui vaut pour ce cas précis de petite agression peut valoir dans la plus large logique de la vie en société. « L’effet divers du fait divers », comme a titré Claude Roy l’un de ses plus beaux poèmes.

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