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  • 12/05/2017 à 10:04

Le Mauvais calcul de Chafik Sarsar

Le Mauvais calcul de Chafik Sarsar

Par Mansour M’henni 

Je suis de nature contre les démissions car j’y vois une attitude défaitiste ou tendancieuse. 

J’ai donc ce même avis de la démission de Chafik Sarsar et deux de ses proches collaborateurs dans l’Instance Supérieure Indépendante pour les élections (ISIE). Et, je préfère le dire d’emblée, ce serait une défaillance fâcheuse dans le fonctionnement institutionnel de l’Etat si, d’une façon ou d’une autre, on essayait de le faire revenir sur sa décision (ce qui semble être désormais son désir le plus pressant).

Soulignons d’abord que l’une des entorses au projet de construction démocratique dans une république qui porte bien son nom, c’est la mise en place, au nom et par les pouvoirs de la constitution, d’instances supérieures avec des prérogatives et des libertés d’action supra-constitutionnelles. On en a récolté les conséquences les plus troublantes dont, d’abord, la fragilisation de l’Etat, parfois au profit de motivations par trop personnelles. L’IVD est un cas d’espèce en la matière.

Revenons à notre bon monsieur Chafik Sarsar qui, au début, n’aurait pas gagné l’enthousiasme de tous les observateurs, mais qui, après les élections de 2014, a fini par consacrer son profil de Monsieur ISIE ! Notons que la manière et le moment choisis pour (l’annonce de) sa démission sont pour le moins suspects car ayant fait fi au moins des deux institutions démocratiquement responsables des affaires de l’Etat, en l’occurrence l’assemblée des représentants du peuple (ARP) et la présidence de la République. Peut-on parler d’un coup de tête ? Ou alors d’une décision personnelle mûrement réfléchie et donc irrévocable ? Dans ce dernier cas, pourquoi associer deux collaborateurs à cette décision alors que chacun aurait pu assumer sa décision de façon personnelle ? Et pourquoi surtout ouvrir une nouvelle brèche dans cette décision en annonçant, après coup, une possible révision de cette décision, à des conditions particulières ?

Au-delà de ces nombreuses questions qui ne font que nourrir la suspicion autour de la démission de M. Sarsar, deux points majeurs retiennent l’attention :

1 – Le président démissionnaire de l’ISIE ramène sa décision à des divergences internes à l’instance ! Et alors ? Veut-il une structure à voix unique et opinion uniforme ? Cela ne serait plus possible et tout premier responsable se doit de gérer dorénavant, en Tunisie, non seulement avec les différences obligées, mais aussi avec le devoir de respect à ces différences. Dès lors, le suffrage majoritaire se gagne sur le terrain et non comme un pré-acquis.

2 – D’aucuns rattachent la décision de M. Sarsar et ses proches collaborateurs aux remarques attendues dans le rapport de la Cour des comptes et faisant état finalement (pratiquement le lendemain de la démission) de ce que la précaution oblige de désigner comme des irrégularités plutôt que comme des infractions, pour ne pas engager une responsabilité que ne saurait déterminer qu’une instance judiciaire. Ces mêmes commentateurs pensent que Sarsar a voulu anticiper sur un rapport dont il soupçonnait le contenu et que de ce fait, il aurait déjà engagé un chantage indirect, au vu de l’urgence et de l’importance des élections municipales fixées au 17 décembre 2017. En tout cas, la stratégie ne manquera pas de laisser voir la fragilité de ses fondements et l’incertitude de ses objectifs.

Pour tout dire, en conclusion, il est de plus en plus évident que notre constitution de la II° République a besoin d’un nouveau toilettage, voire même d’un réaménagement certain, dans le sens de la consécration de l’Etat civil et des institutions démocratiques qui, plutôt que faire obstacle au développement et au progrès, y incitent et constituent leur principal moteur.

Quant à l’ISIE, il importe de veiller rapidement au remplacement des démissionnaires tout en veillant également à l’ininterruption du travail de l’instance, grâce à la continuité de son administration. Il importe surtout de réussir l’échéance du 17 décembre 2017 pour donner la preuve que les personnes passent et que l’Etat est toujours là inébranlable dans son esprit de base, dans sa marche inébranlable et dans ses ambitions inaliénables. 
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