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  • 25/11/2014 à 16:17

Le paysage politique Tunisien

Le paysage politique Tunisien
Par : Khalifa Chater

Les élections permettent, à travers les positions, les positionnements et les repositionnements, soumis à l'épreuve du scrutin, d'annoncer sinon définir la composition du paysage politique tunisien. Au-delà des discours, des proclamations autovalorisantes et des exhibitions rhétoriques,
n'excluant pas le  parti pris de la radicalisation,  elles permettent de dégager, ne serait-ce à gros trait, l'opinion publique et de saisir ses courants dominants. Le champ politique est, en effet, un univers social où il est question d'idéologie, de pouvoir, de rapports de forces, de luttes pour conserver ou transformer ces rapports de forces, de stratégies  de conservation, de changement ou de subversion, d'intérêts, en relation avec les craintes sociales. La démocratie est un enjeu de lutte, qui fait valoir l'alternative obligée. Dans le cas tunisien,  les élections ont été, dans une large mesure, déterminées par l’ordre culturel et l’épistème qui le constitue, c’est-à-dire les systèmes de références communes, des différents protagonistes. Elles  consacrent leurs visions globales qui constituent le "programme fort", érigé en postulat, au-delà des programmes de gestion et de traitement des attentes sociales. Mais certains acteurs entretiennent le flou, pour occulter la démarcation des alliances. Sont-ils en phase avec les attentes de la révolution ? Bien entendu, les résultats des élections traduisent également le marketing des candidats, essentiellement, les effets des discours aux différentes cibles : localités, positions sociales, genres, catégories d'âge etc.

Les élections présidentielles ont confirmé la bipolarité idéologique dominante : 39,4 % pour Béji Caïd Essebsi, le président de Nida Tounis et 33,44 % pour Mohamed Moncef Marzouki,  leader du CPR. La confrontation entre ces deux candidats, qui se maintiennent pour le deuxième atteste que la lutte idéologique reste centrale. Béji Caïd Essebsi affirme son attachement à la modernité et à l'ouverture et défend les acquis bourguibiens. Mohamed Moncef Marzouki, qui se présente comme défenseur des droits, bénéficie du soutien de la troïka et de la base d'an-Nahdha, sinon de sa direction, qui a laissé officiellement le choix à ses partisans. L'adoption, par consensus ou presque de la Constitution, a certes confirmé l'attachement à l'Etat civil, le respect de l'égalité du genre et la tolérance religieuse. Mais ces concessions peuvent être contestées par l'aile radicale, avec la compréhension de son Establishment.

Le leader du Front Populaire Hamma al-Hammami (3e rang, 7, 88 %) confirme et développe les avancées de son mouvement, lors des élections parlementaires. Il devient un acteur incontournable. Sa base déterminera le choix présidentiel définitif. Nouveau venu sur la scène politique, Slim Riahi occupe la 4e place. Il participera nécessairement aux discussions en vue des alliances et de la formation du gouvernement.

Autre constat, confirmant d'ailleurs les résultats des élections parlementaires, le déclin du Parti Attakattoul. Son leader, ancien acteur important, suite aux élections du 23 octobre, ancien président de l'Assemblée Constituante, n'a obtenu que 0, 67, % des voix.  Néjib Chabbi, leader d'al-Joumhouri, grand acteur lors de la lutte contre l'ancien régime, aurait été sacrifié par le vote utile (1,04 %).   L'ancienne présidente de l'Association des juges, Kalthoum Kannou, a été  l'unique femme parmi les 27 candidats à briguer un mandat pour investir le Palais de Carthage. Victime du vote utile, elle n'a obtenu que 0,56 % des voix. Heureux précédent, elle a fait valoir l'absence de discrimination, dans la charge présidentielle.  Les candidats, comme elle, sans parti et sans assise populaire, ont été davantage marginalisés. Saluons son courage.

Point de révolutionnaires et de contre-révolutionnaires. La contestation, qui a déclenché la chute de l'ancien chef d'Etat, a été l'œuvre de la jeunesse, qui a voulu se faire valoir comme acteur politique et a affirmé ses doléances : emploi, développement régional, dignité, liberté etc. Attachement au processus libertaire et peut être peu convaincus de la  politique institutionnelle, les jeunes se trouvent, de fait,  écartés de la scène. Fussent-ils considérés comme contre-révolutionnaires, bien qu'ils se sont repositionnés et ont pris leurs distances de l'ancien régime, les partis destouriens n'ont guère bénéficié d'une adhésion du nouveau citoyen tunisien : Kamel Morjane a obtenu 1,27% des voix et l'ancien ministre Monther Znaidi, qui se présenta comme indépendant, n'a obtenu que 0,74 %.  Mais le deuxième tour suscitera vraisemblablement des repositionnements, dans le cadre d'une nouvelle mobilisation populaire.

Khalifa Chater
 
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