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  • 25/02/2019 à 10:05

L’endémie nahdhaouie dans le corps politique tunisien

L’endémie nahdhaouie dans le corps politique tunisien

Par Mansour M’henni

Les partis, les mouvements et les initiatives politiques dans la Tunisie de l’après 2010 semblent peu capables de se guérir du virus nahdhoui qui commanderait leurs faits et gestes et leurs épopées, ainsi que leurs projets et leurs pensées.

Peu nombreux sont ceux qui se permettent de défendre franchement ce mouvement, à part ses inconditionnels déclarés, mais assez nombreux sont ceux qui le caressent dans le sens du poil, même en cas de dépit ou de bouderie. Cependant, de plus en plus nombreux sont ceux qui cherchent à s’en démarquer, le criant sur tous les toits de peur qu’il n’y ait un quelconque futur votant qui n’en soit pas informé.

De fait donc, tout le paysage politique actuel en Tunisie s’affaire et se structurerait même autour de la grande question d’Ennahdha. Très peu de programmes politiques clairement définis en termes d’objectifs, de planification, de moyens et de résultats attendus ! Rien que des slogans qui sonnent de la creuse voix de leur vacuité : rassemblement de telle ou telle famille, démocratie, identité, etc. Et pour appuyer ces slogans, presque les mêmes chez les uns et chez les autres, ceux d’un sens et ceux de son contraire, comme d’ailleurs ceux du milieu, tellement étiré jusqu’à toucher les deux bords opposés, pour appuyer tout cela donc, on cherche d’abord à se définir par rapport à Ennahdha .

« Nous ne ferons pas alliance avec Ennahdha », disent haut et fort certains partis dont ceux qui étaient parmi ses meilleurs amis et ses fidèles alliés. Ils se seraient trompés d’évaluation ! A moins une, ils diraient « Ghaltouni », mais l’expression passerait mal à si peu d’intervalle temporel. Pour d’autres, il n’y a pas de mal à conclure un pacte de partage du gouvernement si les urnes l’imposent --- avec pour raison essentielle la sauvegarde de l’unité nationale, comme s’il en restait grand-chose ! D’autres encore essaient de contourner la question en laissant le temps au temps et en cherchant à ne pas insulter l’avenir. De toute façon, au final, à bon escient ou inconsciemment, tous apporteraient de l’eau au moulin d’Ennahdha, probablement jusqu’à leur constat tardif : « Ghloutna » (nous nous sommes trompés) qui sonne encore à la façon de « Ghaltouni ».

Le cas le plus typique me paraît être celui du « Tayar Démocratique », qui a fait du chemin depuis sa scission avec le feu parti de Moncef Marzouki, le CPR, à telle enseigne qu’il aurait ravi, dans les sondages, la troisième place du Front Populaire. En effet, Mohamed Abbou, qu’on ne s’étonnerait pas de voir représenter le parti dans les prochaines élections présidentielles, aurait dit : « Le Mouvement Ennahdha est dans le mensonge et dans la déchéance ; ceux qui votent pour lui sont des ignorants ». En même temps, sa voix féminine, la voix sublime pour ne pas la nommer, se vante de voir son bloc parlementaire, le bloc démocratique, voter unanimement pour l’inscription de l’identité arabo-musulmane dans l’article 24 du projet de loi sur les crèches et jardins d’enfants ! Elle attaque le Mouvement Ennahdha sur ce plan pour lui faire remarquer qu’il s’est trompé d’estimation en classant son bloc parlementaire dans le camp opposé à cet article. Elle parle alors « d’accusations mensongères », dans un croisement lexical caractérisé entre les deux époux.

Or ce qui importe pour nous dans cette situation, c’est le fond de la question. En effet, au résultat du vote évoqué, on n’a que deux blocs parlementaires ayant voté unanimement en faveur de l’article : le bloc d’Ennahdha et le bloc démocratique. Sans doute parce que leur fondement politique est commun et leur apparente dispute n’est qu’une autre simulation poussant à comprendre les propos de Samia Abbou dans le sens suivant : « Vous vous leurrez nos amis d’Ennahdha, nous sommes vos vrais partenaires parce que nous bâtissons sur le même fondement ! »

Force est d’ainsi comprendre car, pour rester sur l’article 24 du projet de loi sur les crèches et jardins d’enfants, un bloc sincèrement démocratique et foncièrement tunisien aurait revendiqué le remplacement de cet article par un autre donnant force de loi à l’identité tunisienne, la tunisianité, pour ce qu’elle a de spécifique et ce qu’elle a de commun avec la civilisation et la culture arabo-musulmanes, la civilisation et la culture méditerranéennes et la civilisation et la culture africaines.

Or, de fait, ces deux blocs parlementaires auraient leur ancrage ailleurs et leur démocratie serait exclusive et augure déjà de projets futurs couvant sous des dissidences et des conflits de surface dans l’esprit d’une redistribution étudiée des cartes politiques pour des raisons électorales. Puisse la réalité nous démentir à ce propos !

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