L’Effet divers du fait divers. Voilà bien une citation de Claude Roy qu’il convient de toujours se remémorer en situations variables, pour raisonner des effets et des causes de certains faits de société !

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  • 26/11/2013 à 08:50

L’Effet divers du fait divers par Mansour M’HENNI

L’Effet divers du fait divers par Mansour M’HENNI

L’Effet divers du fait divers. Voilà bien une citation de Claude Roy qu’il convient de toujours se remémorer en situations variables, pour raisonner des effets et des causes de certains faits de société !

Il convient de préciser, d’emblée, que le fait divers est d’abord un phénomène médiatique : depuis les modes de communication les plus élémentaires, même dans les sociétés primitives, dont surtout le mode de la rumeur, jusqu’aux nouvelles technologies de la communication qui ont donné à l’information en général, y compris le fait divers, une célérité de diffusion importante à étudier du point de vue de l’objectivité et de la subjectivité du système médiatique. C’est dire qu’il est rare que le fait divers vaille par lui-même et qu’il vaut surtout par la manière dont il est présenté.

Mais c’est moins du fait divers que de ses effets divers que je voudrais parler ici, de façon rapide et allusive, afin de ne pas trahir l’esprit de la chronique comme genre journalistique. Pour avoir accès à certains chiffres indiquant, par article, le taux d’entrée des lecteurs sur un des portails électroniques, le plus en vue selon les classements d’espèce, je suis attentif à des détails qui me paraissent fort édifiants :

D’abord un désintéressement flagrant à l’égard de l’information sportive ; le foot même est incapable, actuellement, de susciter un grand intérêt. Est-ce l’effet de nos résultats en la matière ? Est-ce l’effet de nos responsables du secteur ? Ou seulement le sentiment que désormais l’essentiel est bien ailleurs ?

Ailleurs ? Mais où ? La politique ? Curieusement, ce n’est plus le cas !

Au début du Changement du 14 janvier, rien ne tenait le coup devant l’information et le commentaire politiques. Tout le monde en faisait, s’en mêlait et en voulait. A présent, c’est à peine si certains mordus continuent de s’y attarder. A la manière des débats publics et des discussions restreintes : on ne veut plus se laisser aller à des développements pompeux, ni s’intéresser à ceux qui en font.

Pour le bonheur de l’avenir, peut-être, certains événements culturels ou académiques mobilisent, de plus en plus, davantage de lecteurs que la parlote politique, devenue vide de sens et indigne d’intérêt, sauf épisodiquement, comme quand ça tourne autour du nom du prochain chef du gouvernement ! Mais là, n’est-ce pas de l’ordre du sensationnel ? Comme pour le fait divers ?

Ce qui fait le buzz aujourd’hui, c’est l’information people et les faits divers ! A croire qu’actuellement, le Tunisien raffole des « chiens écrasés » et de la présentatrice de TV qui « fait de la météo dans le nu » ! Déjà que la météo intéresse son manteau, je ne vous dis pas pour la suite, quand il est question de dévoiler ce qui est sous le manteau ! Par la grâce de Dieu, tout le monde y passe, ou à peu près !

Il est un temps où dans certains pays considérés comme des « démocraties classiques » le télé-journal de 20  heures s’ouvre par des faits divers. Des sociologues ont vu dans ce phénomène une autre stratégie répressive cherchant à implanter la peur dans l’affect même du citoyen plutôt que de donner à cette peur un habit de policier. L’idée n’est pas bête ; elle est sûrement à creuser, en rapport à une démocratie que nous aurions gagnée.

Sinon, on a toujours la célèbre phrase de Pierre Bourdieu, un autre sociologue et non des moindres : « Le fait divers fait diversion ». On ne peut pas mieux dire pour définir les stratégies politico-médiatiques de la Tunisie d’aujourd’hui. Le déplacement des plus hauts taux d’audience vers les faits divers et le people (cherchez le croisement) est la preuve qu’une machine est en train de réussir ses visées. C’est pourquoi, me semble-t-il, à la phrase de Bourdieu, il faut toujours associer celle de Claude Roy. On obtient alors :

« Parce que le fait divers fait diversion, il faut toujours penser l’effet divers du fait divers ».

 
 
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