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  • 22/03/2017 à 10:47

L’engagement et désengagement pour l’Indépendance

L’engagement et désengagement pour l’Indépendance

Par Mansour M’henni

Il n’y a pas de doute sur l’amertume et la déception ressenties par la plupart des Tunisiens devant le désengagement caractérisé de la société tunisienne quant à la commémoration du 61ème anniversaire de l’Indépendance du pays, un certain 20 mars 1956.

Il y a certes eu ce drapeau qui n’a pas manqué de susciter des critiques acerbes et souvent peu innocentes, malgré les bonnes intentions des initiateurs de sa fabrication. Il y a eu aussi la réception présidentielle réunissant une certaine élite dans un cérémonial classique où il y a à prendre et à laisser. Ah oui ! Il y a eu aussi une interview du président de la République qui aura au moins servi à déclencher une crise au sein de l’Etablissement de la Télévision Nationale, déjà dans le viseur des regards critiques. Il y a donc eu cela, qui peut paraître suffisant pour certains, mais il a manqué l’essentiel : l’âme de l’Indépendance et la passion de la fêter.

Je me rappelle encore ce 20 mars que la troïka semblait vouloir réduire à ses plus petites dimensions. Ce fut en 2013. On lisait alors : « Les rues n’ont pas été décorées et aucun défilé officiel n’a été organisé pour l’occasion. Beaucoup de Tunisiens se sont indignés de la nonchalance gouvernementale en cette journée historique et se sont posés beaucoup de questions. » Le peuple tunisien s’est alors mobilisé pour une dynamique massive, réelle et virtuelle, et la circonstance a été populairement fêtée dans toutes les villes avec un grand élan de patriotisme et un sincère engagement pour l’Indépendance et ses valeurs symboliques. Cet oubli du gouvernement (était-ce vraiment un oubli ?) « a poussé les internautes tunisiens à changer, en grand nombre, les photos de leurs profils sur les réseaux sociaux par le drapeau tunisien tout en publiant en masse l’hymne national en réaction à ces faits inhabituels. »

Le gouvernement s’empressa alors de faire montre de certaines gesticulations ridicules et de plusieurs justifications non convaincantes, mais sans résultat immédiat. Toutefois, en 2014, Ennahdha se rachètera pour la même fête et les Tunisiens avaient compris que cela était commandé par l’échéance électorale en vue.

En cette année 2017, on sent comme une récidive ; en tout cas, c’est le sentiment de très nombreux concitoyens qui trouvent très insuffisants les signes officiels de la commémoration festive. En plus, cela est, paraît-il, doublé d’un désintéressement qui commence à montrer son effet au niveau du peuple même. En effet, sur un fond de bafouage du drapeau national à Soukra par les mains noires pro-terroristes, on est surpris qu’il soit fait si peu cas de cette date des plus glorieuses de la Tunisie moderne. Sans doute le souvenir de Bourguiba et sa stature pèsent-ils trop encore sur le cœur de certains ? Ce serait dommage pour l’avenir partagé.

D’ailleurs, dans la foulée de ces petites remarques, en principe de grande portée, l’attention doit être attirée sur une pratique sournoise qui se répand subrepticement, comme pour ressusciter une revendication d’il y a cinq ans, celle-là qui ampute l’hymne national de ses deux derniers vers les plus profonds, les vers d’Abul Kacem Chebbi. En ce temps-là, la société civile avait opposé une ferme résistance et l’on a renoncé à la démarche. Mais dernièrement, mine de rien, certains gestionnaires du salut au drapeau ou de circonstances où l’on scande l’hymne national font exprès d’interrompre le chant avant le distique final.

Prenons-y garde, car c’est de cette façon qu’on fait passer les réflexes et les mots d’ordre les plus pernicieux. Otez ces deux vers à notre hymne national et la toute la Tunisie sera pervertie dans son essence même et dans tout ce qui fait sa spécificité ! Les commandeurs de cette pratique le savent bien, reste à se demander si les consciences qui nous commandent sont assez prévenues contre le risque encouru. 

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