• Actualité
  • Chronique
  • 10/07/2014 à 12:31

Les festivals des petites villes comme la pêche culturelle à Sayada

Les festivals des petites villes comme la pêche culturelle à Sayada

Par Mansour M’henni

Depuis janvier 2011, là où l’on va en Tunisie, là où l’on voit, un seul constat : c’est la faillite culturelle. A part de rares activistes, avec les moyens du bord et la foi « qu’avec les moyens du bord on s’entraide et on s’en sort », tout le reste pousse au néant ou à la mort lente. On voyait venir la catastrophe, d’abord avec le charlatanisme de certains responsables du secteur, puis avec la mise en place d’une stratégie dûment étudiée en vue d’instaurer la désert culturel qui, seul, peut aller avec le misérabilisme social dont on a fait la monnaie de la manipulation politique et du travestissement de l’Histoire.

affi-say-off.jpg

Du coup, les nombreuses manifestations culturelles qui meublaient le paysage culturel tunisien disparurent ou presque ! C’est à peine si, pour la forme, on réussit à maintenir des festivals internationaux largement affectés dans leur esprit et leurs visées.

Qu’on le veuille ou pas, les festivals d’été redonnaient goût à la vie et faisaient travailler des gens, qui dans l’activisme associatif et qui dans la dynamique économique. Leur propagation dans tous les coins du pays était de bonne intelligence pour ce qui mériterait la désignation de « démocratie culturelle ». Car quand une petite ville organisait son festival, elle était bel et bien en fête, dans le bain des arts et de la culture.

Ce qui est nouveau cette année, c’est la conscience retrouvée de ces activités qui redonnent sens à l’engagement culturel des masses populaires dans les différentes régions du pays et qui fédèrent, autour de la joie commune, les gens de toutes conditions. Sans doute a-t-on pris conscience de la gravité des voix de la discorde et de la haine ? Vivement alors les festivals !

Comme on ne parle mieux que de ce qu’on connaît le mieux, je me permettrais de prendre pour exemple le festival de ma ville natale, le Festival National de la Pêche de Sayada, né il y a trente ans mais à sa 27ème édition cette année, après une interruption qui pourrait se comprendre. L’essentiel est que ce festival est de retour. Timidement, diraient certains, en comparaison de son passé glorieux ! Sûrement, diraient certains autres, dans un temps où il n’est pas aisé de se lancer dans un combat culturel.

A Sayada, grâce à une mobilisation citoyenne autour du festival, celui-ci a vite évolué de la dimension régionale à la dimension nationale, convoitant même le statut international de par des invités venus de plusieurs pays enrichir les programmes des colloques et des soirées poétiques. On s’en souvient encore, sur de longues années, la ville a été un pôle culturel d’excellence et une vraie pépinière de la vie associative. Des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes, ont donné de leur temps et de leur argent pour que leur ville égrène les activités culturelles sur toutes les saisons de l’année : Le Festival des Arts de la ville (initié par l’Association pour la sauvegarde de la Médina), le Festival du développement durable (Association du développement durable), Le Forum de la Jeune Chambre économique, le Colloque Ahmed Gacem M’henni de la municipalité, le Festival de la Médina pendant le mois de Ramadan, Les Journées Tahar Chériaa de l’Audiovisuel(le CATaC), etc. Et le Festival National de la Pêche de Sayada était là solide sur ses piliers, regroupant toutes ces structures et d’autres encore et illuminant de sa lumière la ville de La Pêcheuse, trois semaines durant parfois, comme une douce brise d’été.

Il faut avoir vécu ces séances publiques de l’ouverture du festival : d’abord par le défilé pour une première décennie, puis par un spectacle de la production du festival, drainant une foule immense sur la plage où se déroulait le spectacle.
Quoi que l’on dise, cette culture-là en était une et cette ambiance était des plus conviviales, sans parler de la plus-value médiatique, et du surplus de sympathie de tous bords.
C’est cette ville-là que des jeunes veulent retrouver, sans doute pas dans la stricte conformité à tous les modèles anciens, mais adaptée aux nouvelles ambitions et à leur génie créatif.
C’est cette dynamique culturelle que ces jeunes, à Sayada et ailleurs, sentent le besoin de relancer pour contribuer, à leur façon et avec leurs moyens, de redonner l’âme culturelle à leurs villes respectives et à leur patrie commune. Là où ils sont, ils sont un exemple à suivre. Ils veulent prouver que jamais ne meurt une âme qui a goûté au miel de la culture et que toute renaissance après les crises ne saurait valoir si elle ne reprenait son souffle dans l’air des arts et de l’intelligence.

A la bonne heure nos grand festivals ! Mais vivement ces cellules qui revivent partout dans le corps de mon pays ! A les voir s’activer sans calcul et sans hypocrisie, je les salue et je crois de nouveau aux enfants de mon pays, malgré certaines divagations politico-politiciennes qui, souvent, ne cherchent qu’à tout niveler par le bas, dans un pays qui mérite d’être au plus haut du podium.

« Que ma joie demeure ! », écrivait Jean Giono. J’ajouterais pour ma part : « Et que la jeunesse soit sa demeure ! ».

Partager sur
Retour
Les Dernières Vidéos
Les Dernières Actualités