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  • 02/12/2019 à 12:32

Les jeunes et le président

Les jeunes et le président

Par Mansour M’henni

L’une des caractéristiques communément reconnue de l’élection de Kaïs Saïed à la magistrature suprême, c’est incontestablement le rôle qu’y a joué la jeunesse tunisienne. Lui-même le sait assez pour en ressentir la responsabilité conséquente, au-delà de toute assurance ou fierté tirée. Reste à savoir comment le président gérera l’intérêt de cette jeunesse en attente, dans sa vision des rapports sociaux et dans son programme politique.

De tous côtés, on a essayé d’interpréter le vrai message que cette jeunesse désabusée, mais non désespérée, aurait cherché à communiquer en votant un candidat sans programme. On en a décelé un volet, celui du refus de tous les discours des partis, ceux dans le pouvoir comme veux dans l’opposition, tellement ceux-ci avaient perdu toute crédibilité. Mais l’essentiel du message des jeunes reste à déchiffrer et surtout à cogiter.

Il m’a été donné, avant et au cours des élections, d’approcher une dynamique de jeunes que plusieurs partis et de nombreux candidats ont essayé de séduire pour gagner leurs voix, mais tous n’ont eu que des réponses négatives. La raison était pourtant évidente, personne n’avait pour la jeunesse un programme mûrement et solidement élaboré, de la façon qui permettait d’y espérer un vrai projet de socialiser dignement les jeunes citoyens. Je crois d’ailleurs que c’est ce refus qui a poussé la plupart des candidats, individus ou partis, à annexer à leurs discours de campagne un ensemble de propositions comme un semblant de programme pour la jeunesse. L’improvisation et la manipulation qui y présidaient n’ont pas échappé aux jeunes citoyens et les résultats du vote en ont donné la preuve.

Pourtant, ces jeunes ont voté un candidat sans vrai programme aussi ! La différence, c’est qu’ils ont vu dans le vide programmatique de Kaïs Saïed une disponibilité à l’élaboration partagée d’un programme, en droite ligne avec la démocratie participative. Au-delà de toute sa rhétorique qui n’avait pas d’autre effet que celui de la circonstance, le candidat Saïed aurait eu pour vrai slogan de sa campagne : « Allons-y ensemble, prenons le poste et travaillons-y ensemble pour un vrai programme d’avenir ».

Aujourd’hui, le président de la République est forcément à l’épreuve de ce slogan qui devrait tenir lieu de mot d’ordre sonnant toujours au fond de sa conscience. Il devrait inlassablement le secouer pour lui rappeler cette promesse engageante d’une démocratie de conversation avec les jeunes pour l’élaboration d’une politique de développement et de bien être pour tous. Un programme qui pourrait s’intituler « Jeunesse pour tous ».

Pour ce faire, le Président me semble devoir assez tôt songer à s’offrir les services d’un « conseiller pour la politique de jeunesse », choisi plus pour ses compétences de communication et de partage avec les jeunes que pour de hauts diplômes qui vont encore lui donner des raisons de théoriser sa mission, de faire le « prof » et de regarder les jeunes d’en haut.

Parallèlement, le Président peut penser également à restructurer l’Institut Tunisien des Études Stratégiques, qui est sous sa tutelle directe, pour lui donner un second souffle et de nouvelles stratégies, internes et interactives, à même d’en faire une vraie pépinière d’interrogations essentielles et de concepts fondateurs, tous tournés vers l’avenir. Au programme de ces études stratégiques figurerait alors l’approfondissement du modèle néo-démocratique préconisé par le président de la République, mais non encore assimilé dans sa vraie valeur et dans sa dimension créative, car souvent interprété comme l’inversion de sens d’une structure de gouvernance, autrement comme le remplacement d’un pouvoir qui va d’en haut vers le bas par un autre qui irait du bas vers le haut. Or cette schématisation est réductrice du projet jusqu’à la schématisation parodique, alors que l’idée peut trouver tout son sens et son essence même dans ce que je désigne comme « la démocratie de conversation ».

Verrons-nous notre président initier une telle démarche qui serait à la base d’une société tunisienne de conversation, et regrouper le potentiel de la jeunesse tunisienne, la jeunesse du corps et la jeunesse de l’esprit, pour un modèle de développement qui en émergerait et concrétiserait effectivement ce qu’on a appelé « l’exception tunisienne » ?

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