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  • 07/10/2019 à 11:08

Les leçons des dernières élections législatives

Les leçons des dernières élections législatives

Par Mansour M’henni


Les élections législatives de 2019 ont bien eu lieu, dimanche 6 octobre 2019. En attendant les résultats officiels de l’Isie, mercredi 9 probablement, les sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote ont livré des résultats assez concordants entre eux et sans doute avec les résultats définitifs aussi, à moins de sanctions draconiennes décidées par l’Isie, ce qui est fort douteux.

Indépendamment de tout ce qui reste à savoir, des conclusions sont à déduire de ces élections et surtout des leçons sont à tirer pour la plupart des acteurs politiques tunisiens. La première est que les trois cinquièmes du peuple tunisien sont en rupture de ban avec la politique de leur pays, puisqu’ils n’ont pas voté. C’est un phénomène grave pour tout projet de démocratisation de la société et si rien n’est à envisager pour éviter ce grave dysfonctionnement, il vaut mieux arrêter de parler de transition démocratique parce que celle-ci, ainsi acceptée, ne peut reconduire qu’à une autre forme d’autoritarisme, celui d’un pouvoir autocrate ou celui de la rue.

La seconde conclusion à tirer, c’est l’inefficacité de toute propagande électorale fondée sur l’exclusion d’Ennahdha. Le peuple tunisien, s’y étant habitué, a même fini par y voir le principal parti organisé et travaillant efficacement sans trop de bavardage inutile. Plus même, il commence à retrouver dans le discours de ce mouvement les repères de son histoire tunisienne, et même de sa tunisianité, qu’il voit utiliser à tort et à travers par des partis qu’il prenait pour les gardiens de ce temple.

La troisième conclusion montre clairement le démantèlement et l’échec du « centrisme politique », qu’il soit social ou démocratique, et avec lui l’extrême gauche. L’image la plus éloquente de cette débâcle peut être configurée dans le cas Abdelkrim Zbidi dont on a fabriqué « ne icône rassembleuse et un messie de la dernière heure », pour des intérêts qu’il importera d’étudier. En effet, Il s’agissait bien d’une combine ayant associé un lobby financier et un lobby politique autour de « cet oiseau rare » pour se redresser sur la scène politique comme une force déterminante. Les élections du 6 octobre ont montré que les deux partis qui étaient derrière cette opération ne pèsent plus, en l’occurrence Afek et Nidaa. Par ailleurs, la plus grande masse électorale dont a profité ce candidat de fortune était celle des destouriens entêtés à ne pas s’aligner sur/dans les partis qui les représentent vraiment, par une vraie cécité politique, et cherchant refuge auprès de qui les a franchement rejetés comme associés politiques pour n’en vouloir que comme des électeurs à la lèche-botte.

La quatrième conclusion est que les destouriens n’ont plus de vrai cadre de regroupement que dans le Parti Destourien Libre (PDL) qu’il faudrait désormais ne plus baptiser « le parti de Moussi ». Ils doivent s’y engager en masse et aider à un ajustement intelligent de son discours et de ses programmes politiques ainsi que de ses stratégies communicatives. La présidente du parti doit aussi revoir son discours et sa façon d’être et de faire, à l’humilité et au partage (Un progrès sensible est constaté sur ce plan).

Plusieurs autres conclusions sont à tirer, mais je me contenterai de cette cinquième. Qu’on le veuille ou pas, et de quelque manière qu’on considère son cas, Nabil Karoui a eu l’intelligence politique de s’imposer, comme il a voulu et pu, à l’insu de tous les acteurs politiques nationaux par trop aveuglés par leur narcissisme et par leurs conflits respectifs. A présent, il est en tête des résultats des législatives avec Ennahdha, l’ami d’avant-hier et l’adversaire d’hier. Il est aussi un des deux candidats du second tour de la présidentielle. Il avait refusé tout compromis avant les législatives, mais les choses changeront sans doute après. Déjà, la déclaration de Rached Ghannouchi déplorant l’emprisonnement de N. Karoui est un signe.

Etant donné qu’aucun de ces deux partis n’a les moyens de composer un gouvernement stable, je me permettrais d’avancer le scénario qui me paraît le plus crédible, de par la logique politique qui consiste à tordre le coup à toute logique pour réaliser ses objectifs. Il me semble que Qalb Tounès et Ennahdha vont entrer en coalition sur la base d’un soutien d’Ennahdha à Nabil Karoui dans la présidentielle, de l’élection de Ghannouchi à la tête de l’ARP, et d’un commun accord sur un président de gouvernement de consensus, un autre « oiseau rare » à dénicher.

Fiction ou réalité ? L’avenir très proche nous le dira.

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