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- 21/12/2016 à 10:28
Liban, le défi de la réconciliation !

Pr. Khalifa Chater
Conjoncture de compromis, le Liban vient de se doter d'un nouveau gouvernement.. Dimanche 18 décembre, dans la soirée, la composition tant attendue du nouveau gouvernement libanais a été annoncée, 45 jours après des consultations parlementaires menées par le Premier ministre Saad Hariri. Ce nouveau gouvernement s'inscrit, dans le cadre de l'élection de l’ancien général chrétien Michel Aoun, lundi 31 octobre, président du Liban, comblant un vide institutionnel. Les profondes divisions politiques et confessionnelles du pays avaient, en effet, ajourné l'élection présidentielle, depuis deux ans et demi. Le nouveau président a été élu par un vote du Parlement, grâce à un accord laborieux entre le Hezbollah, les chrétiens et le clan Hariri. Le même accord permit la formation du gouvernement Hariri. Le premier gouvernement du mandat du chef de l'État, Michel Aoun, comprend 30 ministres dont huit ministres d'État, répartis à parts égales entre chrétiens et musulmans. Le cabinet regroupe l'ensemble de l'éventail politique, à l'exception du parti Kataëb, les phalanges, qui a refusé que lui soit octroyé un portefeuille de ministre d'État. Après une longue traversée du désert, le Liban remet à jour ses assises institutionnelles.
"C'est un gouvernement d'entente", a affirmé M. Hariri. Situation exemplaire, les Libanais sont des "inventeurs de ponts" entre leurs différentes communautés, qui ont institué un partage organique du pouvoir. Le système politique est, en effet, bâti sur un délicat équilibre entre les différentes communautés : Les trois principaux postes de l’Etat sont dévolus aux trois plus importantes communautés : la présidence de la République à un chrétien, celle du parlement à un musulman chiite et le poste de premier ministre à un musulman sunnite. Le président joue un rôle d’arbitre, mais ses prérogatives ont été fortement réduites depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Or, les crises successives, qui ont affecté les "polyphonies arabes", ont eu leur impact sur le Liban, remettant en cause ses équilibres fondateurs. La tragédie du chao, engagée lors du "printemps arabe" et le redéfinissant, devait perpétuer l'instabilité du pays du Levant. Le rôle joué en Syrie, par le parti chiite libanais Hizb Allah, comme allié de l'Iran et l'accueil de plus d'un million de réfugiés syriens, l'intégraient dans les marges du conflit, fut-il officiellement un simple témoin et non un protagoniste déclarée.
Le compromis libanais s'est construit dans le contexte du "tournant" géopolitique, affaiblissant Daech et ses soutiens et esquissant une restauration du pouvoir de Damas, grâce à l'appui de la Russie, de l'Iran et de Hizb Allah. Il annoncerait la reconstruction de l'Etat-Nation, en Syrie et au-delà, dans l'aire arabe. L'expliquant par l'actualité arabe, un journaliste l'appelle “Le gouvernement d’Alep” (Editorial d'Ibrahim el-Amine, al-Akhbar, 19 décembre). Il remarque que Saad Hariri “après avoir longtemps joué la partition du conflit sunnito-chiite, s'est rendu à l'évidence d'un dialogue avec le Hezbollah”. Ne faudrait-il pas plutôt saluer la réconciliation libanaise, qui met à son programme, comme priorités “de préserver la sécurité face aux incendies qui ravagent la région et de préserver le pays des conséquences négatives de la crise syrienne” (déclaration de Saad Hariri). Autre facteur jugé positif par les observateurs : l'émergence de nouveaux portefeuilles, tel ceux consacrés à la planification, la lutte contre la corruption, les affaires des réfugiés et les droits de l’homme. Fait d'évidence, cette promotion du Liban, marginalise les velléités de dérives.