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  • 07/08/2020 à 09:29

Liban lieu de beauté !

Liban lieu de beauté !

 Par Mansour M’henni 

Un jour que je rentrais d’un voyage au Liban, le diable de ma poésie ou sa muse m’a soufflé ce petit bout de texte dont on définirait difficilement le genre : 


« Liban lieu de beauté


Où la laideur est trace


Minime et contrastée »

Ce petit bout de feu en moi s’est infernalement ravivé à l’information qui s’était abattue sur nous d’une violence interne, en rien inférieure à celle des tonnes d’explosifs soudain éclatés à Beyrouth, faisant plus d’une centaine de morts, plus de quatre mille blessés, sans parler des autres dégâts et des retombées de différents genres. Qu’est-ce donc ? La minime trace de laideur aurait-elle pris le dessus sur toute la beauté du Liban, tout comme un petit virus à peine perceptible mettrait le monde entier en déroute ? Il y aurait de quoi le croire, quelles qu’explications qu’on avancerait pour minimiser la responsabilité humaine dans le drame libanais.

Je n’ai sans doute ni le droit ni les moyens de pointer du doigt un quelconque responsable, mais je ne peux pas rester indifférent à une telle absurdité. C’est des accidents qui arrivent, me dirait-on ! Cependant, je suis de ceux-là qui, tellement malheureux du spectacle des misères humaines, ont fini par croire que les accidents ne sont souvent que le masque des intentions criminelles, sinon juste la partie visible de leur iceberg.

En effet, comment ne pas voir l’aspect artificiel de l’explication des explosions de Beyrouth par sa nature accidentelle et surtout comment s’en contenter ? N’y aurait-il pas, dans cet accident, l’image condensée mais quelque peu tronquée de tout le drame du Liban depuis le milieu des années soixante-dix ? Oui, la Guerre civile ! La juste dénomination. Cependant, ce qu’on souligne moins, c’est que cette guerre civile est commandée de l’extérieur par les forces étrangères qui s’accommodaient mal du cheminement du Liban vers une vraie société démocratique, surtout du point de vue de l’acceptation des différences et de leur vivre-ensemble. Aujourd’hui encore le Liban pâtit de cette mesure de mise en échec de son processus démocratique sur cette base, et l’Etat d’Israël n’est pas étranger à ce « complot international », directement ou par l’intermédiaire de ses parrains, car le modèle sociétal libanais est le contre-exemple de l’Etat sioniste qui fonde l’illusion civile sur le présupposé ethnique et religieux. A partir de cet objectif premier, tout le reste se distribue et se redistribue en fonction des intérêts de chaque partie impliquée et de la variation du rapport des forces.

C’est dans ce tiraillement conjoncturel que la Tunisie authentique a raison de ne jamais oublier le Liban auquel elle est historiquement liée de façon essentielle et, dirais-je, congénitale. Il suffit de remonter l’Histoire de la civilisation méditerranéenne pour s’en rendre compte. Quant à l’Histoire moderne de la mare nostrum, surtout depuis les indépendances de ces deux pays, elle a mis en valeur le potentiel d’édification, dans ce qu’on appelait le « tiers-monde », d’une société civile et moderne à même de constituer un embryon de démocratie. Voilà pourquoi d’aucuns ont cherché à trouver dans ledit « printemps arabe » une intention de mise en échec du rêve démocratique de ces peuples, par une illusion démocratique assez bien montée pour les laisser y croire sans précaution.

Le geste solidaire du président Kaïs Saïed, à l’égard du Liban blessé et endolori, est de haute importance ; mais au-delà du geste, il y aurait à percevoir et à aider à concrétiser une vision sociétale qui travaillerait l’intellectuel politique au sommet de l’exécutif. Parlons-en et oeuvrons ensemble pour une société autre, en évitant que les partis politiques ne se transforment en pavillons de sectes religieuses, régionales ou idéologiques, et en cherchant à restructurer l’Etat sur les fondements qui le mettraient vraiment sur la bonne voie de la démocratisation.

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