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- 06/12/2013 à 21:54
Mandela, l’homme et son mythe par Boubaker BEN FRAJ
« J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle tous les hommes vivraient en harmonie et avec des chances égales. C’est un idéal que j’espère défendre ma vie durant. mais s’il le faut, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir »Nelson Mandela
Hier soir, la nouvelle du décès de Nelson Mandela a vite fait le tour de la planète. Le vieux patriarche africain de 95 ans a tiré sa révérence ; il s’est lentement éteint après avoir stoïquement résisté des années durant, contre les méchantes séquelles d’une tuberculose contractée lors des dix milles jours passés entre 1964 et 1990, derrière les barreaux hermétiques des geôles du régime de l’apartheid. Régime abominable et anachronique, fondé sur l’injustice et la discrimination entre les hommes, sur la base des races et de la couleur de la peau.Calmement parti, Mandela a laissé derrière lui un profond et beau sillon dans le cours de l’Histoire. Histoire de vie, passionnante d’un homme d’exception, de parole, de principes et de valeurs.
Un être qui a assagi, outillé de son génie, de son courage et de sa ténacité, le cours qui paraissait indomptable de l’Histoire de son peuple et de son pays, pour le canaliser vers les idéaux de liberté et de justice auxquels il a profondément cru.Le combat âpre et sans répit d’un homme contre les affres d’un régime monstrueux et sans pitié, qui croyait encore au mythe rétrograde et illusoire de la supériorité d’une minorité blanche, et qui s’accrochait à maintenir ses inadmissibles privilèges au dépens de la majorité écrasante de la population maintenue dans la position de gens inferieurs, privés de leur statuts de citoyens, des droits qui vont avec, et soumis à toutes les exactions et les injustices.
Tout en étant fondamentalement pacifique, Mandela avait usé au cours de sa longue lutte, de toutes les armes de combat, et n’avait pas hésité pour contrer l’extrême violence du régime qu’il combattait , d’alterner ou de combiner dans un combat total, la lutte politique qu’il privilégiait, et la résistance armée à laquelle il était contraint face à l’entêtement d’un régime d’apartheid qui s’était illustré par l’aveuglement et la sauvagerie.
Mais tout en étant fier du combat qu’il a mené avec son peuple, Nelson Mandela a eu, au moment de la victoire sur son pire ennemi, le génie et la sagesse de pardonner.
Pardonner d’abord pour sa personne, à ses geôliers d’hier, ceux qui l’avaient maintenu plus d’un quart de siècle durant, dans leur infernale prison ; et dans le même élan de magnanimité, savoir convaincre ses concitoyens noirs, de laisser de côté les rancœurs accumulées, et de pardonner aux blancs la plus détestable des injustices, à laquelle ils les astreignaient .
En appelant son peuple au pardon à la place de la vengeance et de la haine, à la réconciliation à la place du règlement de compte, à la coexistence raciale, ethnique et confessionnelle dans une société arc-en-ciel, au lieu des clivages et des confrontations, Mandela a fait preuve d’une vision si limpide et d’une force morale si élevée, au point de surpasser les qualités dont il avait fait preuve au moment du combat héroïque qu’il a mené, pour débarrasser son pays du joug de l’apartheid.
Sur les ruines du régime minoritaire des afrikaners, racial et exécrable, Mandela a su ainsi fonder un grand Etat africain moderne, basé sur les valeurs humanistes et démocratiques auxquelles il était si attaché.
Cinq ans après, le vieux n’a rien perdu de son panache, mais jugeant que la vigueur et la continuité du jeune Etat qui vient de naître est bien plus importante que la durabilité de son pouvoir personnel, Madiba - comme se plaisent à l’appeler affectueusement ses concitoyens réconciliés - a décidé au summum de sa popularité, et de son aura, de se retirer, pour céder à ses lieutenants, la direction d’un pays qu’il vient juste de sauver.
En le faisant, il a prouvé encore une fois au monde, que l’Afrique qui a vu naître les premiers humains, est capable d’en donner aussi les meilleurs.
Par Boubaker ben fraj