Dans ce billet,  j’ai choisi de  laisser de côté les  turpitudes de notre présent ,  pour  convier le lecteur   qui  s’y intéresse,  à faire une  brève   escapade dans  le fonds lointain, et  pas assez connu de  l’Histoire de notre pays, et celle du Maghreb dont il est indissociablement lié .

 

 

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  • 01/02/2014 à 13:04

Massinissen et les trésors du temple Par Boubaker ben fraj

Massinissen et les trésors du temple  Par Boubaker ben fraj

Dans ce billet,  j’ai choisi de  laisser de côté les  turpitudes de notre présent ,  pour  convier le lecteur   qui  s’y intéresse,  à faire une  brève   escapade dans  le fonds lointain, et  pas assez connu de  l’Histoire de notre pays, et celle du Maghreb dont il est indissociablement lié .

 

 

Cette incursion dans  notre passé, on la fera à la lecture d’un texte ancien , extrait dans un discours  que  le grand philosophe  et  homme politique Romain Cicéron (106-43 av.J.-C),  avait prononcé devant le Sénat de sa cité.  

Dans cet  extrait, l’illustre orateur antique  met en exergue de la manière la plus élogieuse, l’exemplarité de la conduite du grand roi numide Massinissen (240 -148 av. J.-C) - connu chez les Latins de son époque sous le nom de Massinissa - lorsqu’il apprit les  exactions que son armée avait commises,   lors  du saccage d’un temple dans l’ile de Malte. 

 Et afin de   comprendre ce  témoignage de première main dans son contexte, il n’est peut-être pas  superflu de rappeler que Massinissen dont Cicéron fait ici l’éloge, fut  l'un des plus grands hommes d'Etat  de toutes les  époques  reunies, de l'histoire d notre grand Maghreb.

On sait aussi, qu’au cours de la deuxième guerre punique, cet « agellid » (roi en langue amazigh) avait choisi de s’allier  avec les Romains contre  Carthage, et qu’il avait joué dans le cadre de cette alliance, un rôle déterminant dans la victoire de l’armée  de Scipion  sur celle d’Hannibal, avant et au cours de la célèbre  bataille de Zama,  en 202 avant l’ère chrétienne

 

Vue sous ses   aspects romanesques, la longue vie en relief de Massinissen a  de quoi meubler  plusieurs livres de contes ; n’était-ce pas lui, selon les historiographes repris par de grands dramaturges et artistes, qui avait froidement fourni , dans le secret de leur liaison ambigüe, à  la belle princesse carthaginoise Sophonisbe,  - épouse qu’il n’avait cessé d’aimer  de son ennemi de toujours Syphax - le poison mortel qu’elle ingurgita afin d’échapper héroïquement par  la mort, à l’humiliation et à la vindicte  qui l’attendaient  de la part des Romains,   vainqueurs de son mari !

 

Quoi qu’il en soit,  Massinissen avait réussi au cours  d’un très long règne  ayant  duré un demi-siècle, à édifier à partir de sa capitale Cirta (Constantine) un  royaume immense, qui s’étendait d’Est en Ouest, de l’antique Leptis Magna (Lebda en Libye) jusqu’aux rives de la Moulouya sur l’actuelle  frontière entre l’Algérie et le Maroc. Un Etat craint et  puissant,   fabuleusement prospère,  culturellement épanoui, et largement communicatif  avec les brillantes  civilisations antiques de la Méditerranée.

 

Grace à sa puissance, à sa richesse  et à son grand charisme, Massinissen  avait  acquis à la fois, l’admiration durable de son peuple,  et une  grande renommée  de la part de l’ensemble des peuples riverains de la Méditerranée,  à telle enseigne   qu’on éleva en son honneur trois statues, dans la lointaine ile grecque de Délos,  en reconnaissance de son amitié et sa générosité envers son peuple.

 

Cela dit, voila  l’histoire rapportée par Cicéron dans son brillant discours:

 

 

« L’Ile de Malte, ô juges, est séparée de la Sicile par un bras de mer orageux et assez vaste, Dans l’ile (….) s’élève l’ancien sanctuaire de Junon* ; il fut toujours si vénéré que non seulement il n’eut à subir aucun outrage sacrilège pendant les guerres puniques (…..), mais, il a toujours été respecté et laissé intact par les multitudes pirates.

Au contraire, on raconte même ceci : autrefois, la flotte du roi Massinissa s’approcha de ce lieu et le commandant du roi s’empara dans le sanctuaire de défenses d’ivoire d’une dimension incroyable qu’il rapporta en Afrique pour les donner à Massinissa.

 De prime abord, le roi fut honoré du don ; mais lorsqu’il apprit sa provenance, il envoya aussitôt des hommes sur un quinquérème**, restituer ces défenses. C’est pourquoi il a été écrit dans le temple en caractères puniques  que le roi Massinissa avait accepté ce bien précieux imprudemment, mais ayant su tout en détail, s’était chargé de le faire reporter et remettre à sa place….. »

 

Pour nous autres, ce texte antique a valeur de  témoignage   pertinent et irréfutable,  qui prouve à quel point, la tolérance et le respect des croyances et des cultes  des autres,   sont des valeurs enracinées chez nous  depuis des millénaires.

La magnanimité du comportement de notre patriarche maghrébin Massinissen il y a vingt deux siècles, face à ce qu’il avait jugé comme une profanation inadmissible du sacré des autres- fût- c’en temps de guerre- est à ce sujet, un exemple qui m’a semblé digne d’être mieux connu.

 

 Notes :

 *Junon: déesse romaine de la féminité et du mariage

**Quinquérème : navire antique à cinq rangs de rameurs.

 

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