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  • 23/11/2019 à 10:31

Nous et notre rêve de démocratie !

Nous et notre rêve de démocratie !

Par Mansour M’henni

Une rencontre a été récemment organisée à la maison de la culture Ibn Khaldoun, en partenariat entre l’association « Questions et Concepts d’Avenir » (Qca) et la délégation régionale des Affaires culturelles à Tunis, avec pour sujet « La Culture de la conversation et l’initiation à la démocratie ». Elle a permis d’actualiser plusieurs questions fondamentales, particulièrement pour la société tunisienne en ce moment sensible de son histoire, et permis surtout d’interroger les concepts en rapport à la délicatesse de la situation.

Le sujet est visiblement en plein dans l’objet de l’association Qca qui cherche à stimuler l’interrogation et la réflexion autour des concepts pour dissiper les malentendus dont ils sont souvent entourés et pour aider à repenser l’avenir du vivre-ensemble. De fait, on ne peut que saluer une telle initiative, tant nous constatons la vertigineuse inflation des concepts et la déroutante confusion qui les conduit à tous bouts des discours politiques dont on nous bombarde sans précaution aucune.

Voyons un concept comme celui de la démocratie, n’est-il pas devenu l’animal facile à monter pour tout manipulateur politique, si bien que chaque parti ou simple sensibilité politique s’empresse d’abord d’étudier le mode d’articulation du mot ou de l’idée, faute de maîtrise du concept, à leur idéologie pour ne pas risquer d’être taxé de rétrograde, de conservateur et d’autocrate. Puis, pour se justifier, on évoque la relativité d’interprétation du concept, comme pour dire que chacun a sa démocratie. Or il y a là anguille sous roche, car le principe de base est que la démocratie est le pouvoir de tous par tous pour tous. Il y aurait donc quelque part un vice de forme.

Par ailleurs, on peut postuler que la démocratie est un idéal à ambitionner mais demeurant toujours inaccessible, si bien que l’effort humain n’est qu’une tendance asymptotique vers cet idéal pour vivre, non dans le régime parfait de la démocratie, mais celui qui en constituerait la configuration la plus proche du modèle. Dès lors, ce qui serait à relativiser, ne serait-ce pas le niveau de démocratie où l’on arrive plutôt qu’une variété de démocratie tendant à faire éclater le concept et à le vider du système de valeurs qu’il véhicule ?

De ce point de vue, un autre débat s’engage à partir de la question de « transition démocratique ». D’aucuns supposent, au préalable, un modèle établi de la démocratie (lequel ?). Ils disent alors que la transition démocratique est une absurdité et qu’il faut tout simplement installer le régime démocratique et y soumettre la société, à tous les niveaux de son fonctionnement. Pour d’autres, la démocratie étant un idéal inaccessible en pratique mais constituant un repère important de l’évolution sociétale, il n’y a donc qu’une évolution dans le cheminement vers l’idéal de démocratie et que cette évolution peut bien s’appeler « transition démocratique » dans la mesure où elle constitue une avancée en mode réformiste des pratiques interactives dans le vivre-ensemble.

D’un autre point de vue, l’idéal démocratique suppose un mode d’intercommunication approprié. En effet, ce que l’on constate dans les débats politiques et médiatiques et qu’on appelle des dialogues, c’est une illustration de la manipulation rhétorique, sous couvert d’argumentation logique. Chaque locuteur y essaie de convaincre de la validité et du bien-fondé de sa thèse et de ses opinions, quelle qu’en soit la pertinence ou la défaillance. Ces débats se structurent donc verticalement, alors que la démocratie suppose l’horizontalité des échanges dans une égalité des statuts, qui n’est garantie que par la conversation telle que décelable dans la pensée socratique.

Converser, c’est d’abord s’inscrire dans la relativité des choses, des opinions et des vérités. C’est accepter de s’interroger et de se remettre en question au contact d’autrui. C’est être bref à la parole, attentif à l’écoute, respectueux de la différence. Ne sommes-nous pas loin, dans la pratique, de cette éthique fondamentale de la démocratie ?

Conversons-en et repensons donc nos concepts pour une meilleure intelligence de nos questions.

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