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- 08/07/2025 à 07:43
On a les Politiques qu'on mérite

Par Mansour M’henni
Ces derniers temps, j’ai été très sensible à des statuts sur facebook déplorant l’ingratitude des gens et exprimant leur déception face à la dégradation de certaines valeurs humaines. Cela m’a amené à partager un de ces statuts, avec un commentaire personnel appuyant son contenu. Nombreux étaient les amis, réels et virtuels, qui ont réagi, chacun y allant de son interprétation et de son opinion.
Un des amis a franchement pris position contre ceux qu’un tel comportement affecte ; il attribue leur dépit à un certain calcul supposant une récompense à tout bien que l’on fait à autrui, alors que la règle serait de le faire sans contrepartie. Désolé, cher ami, sauf ton respect, celui que l’ingratitude déçoit n’est pas dans le regret d’un bénéfice qu’il n’a pas eu, mais dans la douleur de voir ses semblables perdre en humanité et en valeurs morales ! Se voir vivre dans une humanité du « faux et usage de faux » ? Tout le monde ne s’accommode pas facilement de cet état des choses.
De fait, je crois que mon dépit personnel n’est pas particulièrement dû à des ingratitudes à mon égard, pourtant nombreuses, mais à celle à l’égard de certains morts illustres, de bons patriotes et d’un comportement aussi louable que possible dans l’engagement qui était le leur. Ces derniers, une fois décédés, ont rarement eu droit, ces dernières années, au minimum de reconnaissance de la part de leurs concitoyens, abstraction faite de l’ignorance officielle d’un acte digne pour leur rendre hommage : une ignorance qui a sans doute ses raisons que la raison ne (re)connaît pas, à chaque fois.
Je dis cela en marge d’une idée d’organiser un hommage au Dr. Hédi M’henni dont tout le monde connaît la carrière et reconnaît les qualités morales, intellectuelles et citoyennes. Cette idée a été même explicitée le jour de l’hommage qui lui avait été rendu par la famille et l’Amicale des Anciens du Cycle Supérieur de l’ENA, en janvier 2025 à Tunis, en réaction à la très modeste présence des concitoyens du défunt aussi bien à cette rencontre que le jour de l’enterrement du disparu. Pourtant, quand un compte rendu de cet hommage de janvier a été publié sur les réseaux sociaux, les commentateurs ont été nombreux à louer les qualités du défunt auusi bien en tant que militant, qu’en tant que responsable, citoyen et homme de culture et de bonne morale.
Les trois personnes ayant promis de s’activer pour l’organisation d’une célébration-hommage du premier anniversaire de la mort de Hédi M’henni, leur concitoyen, ont essayé de sensibiliser à leur projet mais le silence seul s’est imposé comme réponse, un silence suspect car il ne paraît pas signifier l’indifférence à la mémoire de celui qui a été un très bon pédiatre avant d’être un bon responsable de l’Office du contrôle des naissances puis du ministère de la Santé. C’est lui aussi qui a été Président d’Université, Secrétaire d’Etat, Ministre de l’enseignement supérier, Ministre des Affaires sociales, Ministre de la Défense, Ministre de l’Intérieur, en plus de Secrétaire général du parti et de Conseiller du Président de la République.
Un personnage de ce calibre est à respecter quelle que soit les divergences que nous pouvons avoir quant à son appartenance politique ou à son engagement idéologique, car dans une société qui respecte les différences, celles-ci ne peuvent constituer un facteur de conflit ou de dépit. Il suffit que les citoyens se reconnaissent et ses respectent dans leur statut de citoyens patriotes.
Le pire dans cette situation c’est que certains « pêcheurs en eaux troubles » justifient cette méfiance des citoyens et des responsables locaux par une épée de Damoclès que le Président brandirait au-dessus de leurs têtes, menaçant toute tendance à redonner de la visibilité à l’image d’un ancien responsable, fût-il des plus honnêtes ! Mais à notre connaissance, le Chef de l’Etat n’a pas de position arrêtée contre un hommage rendu à un disparu non discrédité par un jugement arrêté des tribunaux appropriés, comme c’est le cas pour celui dont nous parlons ! Facile de se cacher derrière un soupçon de décision arbitraire, quand on est soi-même dans l’arbitraire comme signe de socialité !
Peut-être devrait-on se souvenir, à l’occasion, du titre d’un livre de Cloé Morin, sorti en 2022 : « On a les Politiques qu'on mérite ». Au fait, ce titre a été précédé d’un dicton du même genre, souvent attribué au Prophète de l’Islam, sans une authentification attestée : « Ceux qui vous gouvernent sont à l’image de ce que vous êtes ».