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  • 26/02/2014 à 14:58

Que fait-on de la présidence de la République ?

Que fait-on de la présidence de la République ?

Par Mansour M’henni

 

Moncef Marzouki disait, après son attérissage assisté au palais de Carthage, qu’il allait changer l’allure de la présidence et l’idée qu’on s’en faisait. Aujourd’hui, au vu des bizarreries qui s’en dégagent, il peut se vanter d’avoir réussi au moins cette mission-là, la seule pour certains. Reste à savoir si cette transformation s’est faite pour le meilleur ou pour le pire.

Je ne sais qui, au lendemain des élections d’octobre 2011, avait dit dans une assemblée où je me trouvais par hasard : « Ennahdha a imposé ce président au peuple tunisien pour l’humilier ! ». J’avoue que ce jour-là, cette affirmation m’a paru exagérée et par trop subjective. Je ne sais plus aujourd’hui ce que je dois vraiment en penser.


J’ai critiqué à plusieurs reprises l’image que notre Provisoire donnait de l’instance présidentielle, tellement les comportements les plus inappropriés se multipliaient sans considération aucune pour ce que les citoyens en pensaient ou en disaient. On a souvent dit à ce propos que le président entendait jouir de sa liberté personnelle quant à sa manière d’être, oubliant qu’accéder à l’instance suprême a pour première conséquence de n’être plus la propriété de soi-même, mais celle de son peuple et de sa patrie.


On aurait compris que le président provisoire porte l’habit national traditionnel, en cohérence avec une idéologie claire et assumée, mais ôter la cravate en gardant le costar, c’est n’être ni d’Eve ni d’Adam. En fait, ce n’était là que le premier indice d’une dérive institutionnelle qui a affublé la présidence des couleurs et des postures les plus acadabrantes, compromettant sa crédibilité à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.


Avec le temps, l’accoutumance aidant, les Tunisiens ont tourné leur instance suprême au ridicule dont ils avaient besoin pour exorciser une part du mal dont ils souffraient ; ils sont alors partis en anecdotes et blagues populaires, en caricatures et jeux de marionnettes, en commentaires salés ou sarcastiques sur les réseaux sociaux, faisant de leur présidence davantage un fait de société qu’une institution de gouvernance. Ce qu’on appelle couramment : faire contre mauvaise fortune bon cœur !?


Certes, de temps en temps, une bizarrerie, généralement prise pour une advertance ou un manque d’expérience, enjambait les portes et les murs du palais et venait s’étaler sur les plateaux des médias, envahissant la scène publique. Mais on persistait à en réduire l’impact, à la banaliser même pour ne pas arriver à conclure que le dérangement est contagieux. Toutefois, depuis un certain temps, on a de plus en plus le sentiment que c’est l’instance présidentielle qu’on banalise. D’abord à coup d’exhibitions populistes qui n’ont fait que consolider la dissidence et parfois conforter les symboles de la violence. Ensuite, à coup de dérapages fonctionnels qui donnent la preuve d’une déstructuration interne de la suprême institution.
N’importe qui sortant des couloirs de Carthage se croit aujourd’hui tout permis, exportant par son comportement le cafouillis du palais pour en affecter la structure de l’Etat et l’équilibre de la société. A-t-on jamais vu une présidence aussi impliquée dans des procès de toute nature ? A-t-on jamais vu présidence susciter autant de suspicion et pousser à plus de distance à son égard ?


Il faut bien que cette farce cesse de narguer les citoyens et qu’elle arrête d’enduire de sa couleur préférée (il y aurait un sang aussi noir que les poches secrètes de l’inconscient !) les regards des Tunisiens plus assoiffés d’espoir que de tristes et désolants déboires.

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