• Actualité
  • Chronique
  • 28/01/2019 à 09:45

Que vive la Tunisie !

Que vive la Tunisie !

Par Mansour M’henni

Voilà qui est fait, le nouveau parti, dit de Youssef Chahed, est créé ce 27 janvier 2019, il porte le nom « Tahya Tounès » (Vive la Tunisie), il serait le 216ème ou 217ème parti du pays. C’en est donc fini de toute éventualité de restructuration de Nidaa Tounès sur la base d’un nouveau regroupement des siens et des sympathisants et Youssef Chahed a trouvé sa propre voie/voix dans cette nouvelle structure, avec ses amis et ses sympathisants, et dans l’esprit d’une concurrence déclarée entre ceux qu’on appellerait désormais, sans méprise, « les deux frères ennemis ».

On ne peut certes pas présager, d’ores et déjà, de l’impact immédiat de ce parti (les prochaines échéances électorales auront lieu dans moins d’un an… en principe !), mais plusieurs observateurs, en Tunisie et ailleurs, trouvent que ce parti est « né grand » --- ce qui n’est pas sans susciter des réserves et des attaques franches de la part du coordinateur général du Nidaa, Ridha Belhaj. Ce dernier a déjà la réponse au bout de la langue : abus de pouvoir, Ennahdha par-ci, Ennahdha par-là, financement suspect, grandeur apparente, etc.

Comme on n’est pas à une contradiction près dans de tels contextes, M. Ridha Belhaj semble oublier que c’est le Nidaa qui a amené Ennahdha dans la coalition au pouvoir, et en leitmotiv de son intervention sur Al Arabia-AlHadath,  il reproche à Y. Chahed ce que lui-même et les siens ont initié en contradiction totale avec leur promesse électorale de ne jamais s’associer au parti islamiste.

Par ailleurs, quant il s’interroge sur l’argent ayant financé la réunion constitutive de « Tahya Tounès », a-t-il oublié les grandes réunions du Nidaa depuis qu’il n’était qu’une déclaration d’intention jusqu’à son apogée électorale et même après ? A-t-il oublié aussi les fois où il y a eu interférence, pour ses membres du gouvernement, entre leur statut dans l’exécutif et leur statut partisan ? En reprochant la présence des destouriens dans le nouveau parti (qu’il nomme les RCD, comme s’il n’en faisait pas partie !), a-t-il oublié tous ceux qui étaient à la base de Nidaa Tounès et qu’on a tenu à garder dans l’ombre, à la tête du client, sous prétexte de passer la première épreuve de la naissance du parti ? Ceux-là mêmes qui ont fusionné avec le parti de BCE et ceux aussi qui ont failli le faire avant de sentir l’anguille des calculs politicards sous la roche du Nidaa ?

Bref, tous les propos de Ridha Belhaj trahissent en fait un dépit mal contenu et il semble assumer aujourd’hui le rôle du porte-voix d’un parti en crise qui n’aurait, pour se défendre, que la fuite en avant ou l’alimentation de l’illusion.

Est-ce à dire qu’il faille se jeter, la tête la première, dans la mêlée enthousiaste qui porte l’étendard de « Tahya Tounès » ? Faut-il rester insensible à toutes les critiques en cours ciblant le nouveau parti ? C’est apparemment difficile quand on a encore sur le cœur toutes les déceptions héritées du Nidaa, et le parti de Chahed a donc bien du pain sur la planche, pour regrouper, pour mobiliser et pour conduire. Même si, déjà dans cette étape inaugurale, Slim Azzabi a montré des qualités confirmées d’orateur enthousiaste, « parlant le langage du peuple ».

En tout cas, les réseaux sociaux n’ont pas manqué leur attaque. Voici alors que les jeunes avocats réclament leur bon droit de contester le nom du parti. Voilà que la pratique politique annonçant la base populaire comme point de départ de l’action se trouve assimilée à une copie du système Kadhafi. Autant de réactions à fleur de peau qui dénotent, malheureusement, d’une extrême légèreté et d’une immaturité caractérisée de notre débat public en politique.

Aujourd’hui, nous aurions plutôt besoin de politiciens qui essaieraient d’éviter la parole et les arguments tournant à vide, comme ceux dans la bouche du coordinateur général de Nidda Tounès. Effectivement, Tahya Tounès, et tous les partis sincèrement tournés vers un avenir meilleur pour la Tunisie, doivent agir à la base, dans un esprit de conversation avec le commun des citoyens comme avec les intellectuels et les acteurs économiques et sociaux, pour mettre en place une vision politique intégrale à même de gagner l’engagement de la partie la plus large du peuple et de sa masse électorale. Ne pas répondre au dépit par le dépit, mais par la raison active et par l’élan sincère, par la propre logique de chacun et non par le dénigrement de l’Autre, l’adversaire.

De ce point de vue, le nom du nouveau parti ne semble pas coïncider fortuitement avec une formule commune et laisserait voir, au contraire, un positionnement franc par rapport à Nidaa. En effet, si ce dernier actualise un appel de la Tunisie attendant une réponse citoyenne, Tahya Tounès serait un cri d’élan vers la Tunisie, considérée comme seul objectif partagé.

Mais tout cela reste au niveau des spéculations et des interprétations, l’avenir seul décidera de l’essentiel, actions et preuves à l’appui. Attendons voir, donc, avec assez de distance critique pour ne pas ignorer le côté positif des choses, mais aussi pour ne pas en cacher les éventuelles insuffisances ou défaillances. Tout pour que « Vive la Tunisie » !
Partager sur
Retour
Les Dernières Vidéos
Les Dernières Actualités