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  • 24/06/2019 à 10:35

Quelle éthique politique pour la transition démocratique

Quelle éthique politique pour la transition démocratique

Par Mansour M’henni

C’est apparemment la grande confusion politique dans notre pays et surtout la grande déception. Certains « révolutionnistes », dans une tradition dont il conviendrait de repenser l’articulation à notre histoire, défendent plus la nécessité des dégâts – fût-ce en vies humaines – dus à tout changement historique « radical » qu’ils ne défendent le bénéfice à gagner d’un tel changement pour le commun des citoyens et pour la société concernée. 

Pourtant, plutôt que de s’accrocher obstinément à une dialectique violente du vainqueur et du vaincu, du nouveau maître et de l’exclus, l’intelligence humaine n’est-elle pas capable de tirer, à chaque étape, les enseignements de l’Histoire, pour concevoir l’avenir sur une nouvelle logique et des rapports renouvelés ?

On nous dit donc que la Révolution française a mis un siècle ou plus pour se confirmer et plusieurs victimes pour donner ses fruits. La révolution russe n’a pas mis autant de temps mais elle n’en a pas coûté moins en vies humaines et aujourd’hui encore on n’est pas d’accord sur la qualité de ses fruits. C’est qu’on ne peut jamais avoir un consensus sur la juste valeur des choses et des événements tant qu’on se place dans la logique du noir ou blanc, du catégorique pour ou contre, au nom d’une dialectique dont on aurait détourné la logique de pensée au profit de totalitarismes idéologiques manipulateurs et/ou répressifs.  

Ce qui marque de façon agressive les rapports discursifs et interactifs de nos différents acteurs politiques, c’est bien cet entêtement à s’ériger en affirmateurs des seules vérités contre les mensonges de tous les autres. Le plus étonnant, jusqu’au ridicule, c’est que la même voix peut, en un éclair et au gré de l’opportunisme des alliances, se muer de l’apologie d’une vérité à son dénigrement systématique pour défendre la vérité contraire placée au centre du discours et de l’idéologie du nouvel allié.

Pire encore, aujourd’hui, ces pratiques, qu’on comprendrait un peu chez les partis politiques, jusqu’à un certain degré d’ailleurs, tant qu’elles ne rompent pas totalement le cou au bon sens, deviennent monnaie courante et généralisée, y compris dans les institutions censées défendre et sauvegarder, de la façon la plus sensée, le cheminement de la société vers la conscience et la pratique démocratiques. On voit alors se loger à la même enseigne du travestissement de la rationalité et de l’éthique, pratiquement toutes les instances représentatives de la démocratie : celles des représentants du peuple, des représentations professionnelles, et des formations civiles.

Il résulte, de tout cela, l’état de débandade qui sévit et règne sur tous les secteurs de la vie, traînant l’économie au plus bas de son rendement, le travail au piètre de sa productivité, les rapports sociaux au pire de leur tension. Et dans une apparente inconscience caractérisée, les discours et les comportements politiques semblent se complaire dans cet état d’apathie et de léthargie dont on voudrait faire les nouvelles caractéristiques de la citoyenneté ! Peut-on croire vraiment que nos éminents politiques des temps en cours soient cyniques au point de sacrifier la patrie à leurs ambitions et à leur folie du pouvoir, fût-ce un simple pouvoir farcesque de provocation, de diatribe et de calomnie. A preuve, les insultes franches, jusqu’à la vulgarité et l’indécence, qu’ils échangent inconsidérément sous les yeux ahuris de leurs concitoyens au service desquels ils prétendent militer !

Combien de fois faut-il rappeler que nous n’avons nulle chance de gérer notre destin partagé que dans la logique de la conversation et dans son esprit dont les fondements ont pour noms : le respect d’autrui, l’écoute de l’Autre et l’auto-interrogation pour la relativisation des vérités. Sans quoi, il n’y aura eu ni seconde république ni troisième et force sera de faire le deuil de ce qu’on se plaît à appeler « la transition démocratique ».

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