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  • 19/03/2025 à 10:09

Quelle place pour la langue arabe en France ?

Quelle place pour la langue arabe en France ?

Par Mansour M’henni

Après un colloque intéressant et réussi, à l’INALCO (Paris, 12-13-14 mars 2025), sur la Phraséologie où j’ai été invité à présenter une conférence plénière sur « Phraséologie et Brachylogie », j’ai été interpellé par une journée d’étude sur la question « Quelle place pour la langue arabe en France ? », organisée le Lundi 17 mars 2025 par le Centre Arabe de Recherches et d'Etudes Politiques de Paris (CAREP Paris), en partenariat avec le Département d’études arabes de l'INALCO (Paris).

La question me semble digne du plus grand intérêt tellement elle est actuelle et touche à des problèmes liés à l’évolution du monde et aux relations entre les peuples, les cultures et les civilisations. S’il est vrai que l’objectif premier de la création de l’INALCO a été, en 1795, « d’une utilité reconnue pour la politique et le commerce » et que l’arabe y était l’une des premières langues enseignées, il est non seulement légitime mais louable aussi qu’il se pose aujourd’hui des questions comme celle posée par la Journée d’étude, aussi bien en matière d’évaluation qu’en matière de prospection.

Comme souvent souligné, notre chronique n’ayant pas pour objet le reportage, nous souhaiterions avancer une ou deux idées se rapportant à la problématique offerte à la discussion, en ce moment où le statut du français lui-même est révisé dans des pays historiquement liés à la France et à sa langue. A mon modeste avis, la place de la langue arabe en France est à examinser de deux perspectives apparemment opposées mais complémentaires de fait : celle en aval et celle en amont, cette dernière prévalant nettement sur la première.

La perspective en amont est celle des intellectuels, des chercheurs et de tous ceux qui sont intéressés par la pensée de la chose ; la langue arabe est donc prise comme un OBJET d’étude ou de spectacle, souvent examiné et étudié avec une distanciation méthodologique. Dès lors, une autre question s’impose : Quelle conséquence directe peut avoir cette réflexion spécialisée sur l’évolution du statut de la langue arabe en France ? Et quel confort citoyen cela ajoute-t-il aux quatre millions d’arabes dans ce pays ?

Pour ces deux dernières questions, c’est la perspective en aval qu’il convient de prendre en considération, celle du terrain, intégrée dans le fonctionnement des choses. Cette perspective implique nécessairement l’école, dans son sens large, tridimensionnel : dans le cercle familial, dans l’établissement scolaire et dans la vie en société. La langue arabe est alors perçue comme un vivre. Interrogeons le nombre d’enfants arabes vivant en France et systématiquement inscrits dans l’enseignement de l’arabe ! Le résultat nous étonnerait ! Certains pays chargent leurs services diplomatiques d’initier des contextes d’enseignement de leur langue nationale dans le pays hôte ; mais combien d’enfants y vont et quelle efficacité ont ces initiatives, à part celles exploitées comme un cadre de recrutement précoce pour des objectifs sectaires ou idéologiques ?

Ce qui nous paraît à même de servir le sens de l’hospitalité à la langue et à la culture des immigrants en France, c’est l’articulation complémentaire des deux perspectives, en amont et en aval, et c’est surtout l’intégration de cette articulation dans le fonctionnement institutionnel et dans la plus large pratique culturelle, avec une sincère implication de l’Etat, d’un côté comme de l’autre, en tant que force de gestion des rassemblements des altérités pour un meilleur vivre-ensemble.

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