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  • 29/05/2015 à 12:32

Réforme de l'enseignement : l'heure de vérité

Réforme de l'enseignement : l'heure de vérité

Pr. Khalifa Chater


La "révolution " tunisienne a changé le pays. Rien ne pouvait plus être comme avant. Toutes les structures, les activités sectorielles, les mécanismes de gestion sont nécessairement revisités. L'éducation ne pouvait échapper à l'ère de l'autocritique, qui a appréhendé la gouvernance, le pouvoir de l'information, l'autorité judiciaire, la gestion économique et sociale etc. Objet de consensus la baisse du niveau scolaire, une certaine remise en question de l'ouverture au monde et l'inadéquation entre la formation et l'emploi, requièrent des réexamens. Il était nécessaire de concilier l'urgence économique, l'impératif politique  et l'inévitable réforme de l'enseignement, en conséquence. Le nouveau pouvoir a la charge de redéfinir la philosophie  officielle de l'éducation, en fonction de l'idéaltype de la révolution.

Depuis l'indépendance, l'école publique tunisienne est gratuite, obligatoire et ouverte sur le monde. Elle constituait, pour tous, l'ascendeur social. La révolution scolaire contribua au développement du pays, en lui assurant les compétences nécessaires. Lors de la conjoncture de fin du pouvoir bourguibien, cet acquis fut, de fait, progressivement remis en cause. La politique éducative, adoptée depuis 1980 et poursuivi, depuis lors,  a largement contribué au nivellement par le bas des élèves. D'autre part, l'augmentation des droits scolaires, l'institution des heures supplémentaires et le développement de l'enseignement privé ont, dans une certaine mesure, tourné la page de la gratuité. Une certaine tolérance occulta l'obligation scolaire. L'origine sociale pèse, de plus en plus, désormais sur les destins scolaires. D'autre part, des compromissions du progressisme avec l'obscurantisme ont affecté, dans une certaine mesure les programmes. Il ne suffit point de revenir aux normes, mais de conforter la réforme par les innovations qu'exigent les mutations des temps nouveaux.

Rappelons que la mission fondamentale de l'école est la transmission des savoirs et des valeurs républicaines. La réforme de l'enseignement devrait s'inscrire dans cette définition consensuelle. Il faudrait se mettre d'accord sur le socle de l'enseignement et développer l'enseignement des humanités. Il faudrait  porter les efforts sur les apprentissages fondamentaux. Quels sont les savoirs qui doivent être partagés par tous ?  Quels sont ceux qui peuvent être optionnels ou réservés aux spécialisations. Jusqu'au  faut-il élever le niveau d'exigence ? Quels types de femme  et d'homme voulons nous former ? Il faudrait, bien entendu, s'inscrire dans la mondialisation polycentrique en émergence, qui exige notamment la possession et non l'apprentissage symbolique de langues étrangères. Il faudrait, réussir, l'enjeu de l'excellence et non "l'égalitarisme niveleur".

 La refondation de l'école n'est pas une question technique. Elle requiert un engagement politique. Le pouvoir politique devrait être sur le pont, pour défendre la réforme. Elle ne peut s'accommoder de la neutralité du gouvernement. Ainsi présentée, la réforme annoncée semble superficielle, évitant  "les sujets qui fâchent". Ne perdons pas de vue qu'elle doit inclure un changement global de la perception des parents, des élèves et de l'opinion publique. Certains des élèves nous disent : "A quoi sert d'apprendre. Plus tard, je serai chômeur".  La réforme exige en effet, de mieux former le personnel,  de coopérer avec les enseignants, sans renoncer aux exigences scolaires. Quand on parle éducation, tout le monde a son mot à dire. Une large consultation peut éviter une fronde, déjà annoncée par les partisans du système actuel. Peut-on parler d'une crainte de l'inscription de la philosophie de l'éducation, dans l'idéaltypes des Lumières et de l'école tunisienne des réformes, qui l'a adoptée.

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