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  • 04/08/2014 à 12:25

Retour de Bourguiba, dites-vous ? Peut-il jamais partir ?

Retour de Bourguiba, dites-vous ? Peut-il jamais partir ?

Par Mansour M’henni


L’anniversaire de Bourguiba a été fêté en grandes pompes par certains, surtout ceux civilement fidèles à sa mémoire et à la majesté de son oeuvre ; il a été sciemment ignoré par d’autres qui se seraient sentis en faute ou en flagrant délit d’hypocrisie s’ils l’avaient fait, surtout à l’orée d’élections dans lesquelles l’image de Bourguiba ne manquera pas de jouer un rôle important.

La commémoration a eu lieu sous l’intitulé : « Le retour de Bourguiba » qui me paraît ne pas rendre suffisamment compte de l’opportunité, aujourd’hui, d’une cérémonie à la mémoire de Bourguiba. Passons sur l’attitude de ceux qui y verraient la restauration du culte de la personnalité, comme s’ilsétaient libérés, eux, du culte d’autres figures, parfois moins symboliques pour notre pays ! Je crois au contraire que plus on s’arrête pour réfléchir sur la pensée de Bourguiba et sur son œuvre, plus on a une intelligence fine et authentique de notre tunisianité. Qu’importe que cela se fasse en août ou en avril, en juin ou en mars, en janvier ou en juillet ! L’essentiel est que cela soit entretenu dans le seul esprit de donner de la valeur à ce qui en a vraiment.


Je disais donc que le titre « le retour de Bourguiba » ne me paraît pas assez signifiant, car Bourguiba n’a jamais quitté la Tunisie, quoi qu’en disent les sceptiques ou les manipulateurs. Je me rappelle une phrase relayée à la suite du changement du 7 novembre (indépendamment des caractéristiques qu'on lui attribue en fonction de la circonstance ou de la stratégie du discours) : « Le changement a sauvé Bourguiba de Bourguiba ». Peut-être l’a-t-il fait sur le plan personnel en lui évitant une guerre fratricide pour la succession, échappant totalement au contrôle du leader ? Pour le reste, il n’a fait (et nul ne le niait) que continuer dans son état d’esprit et dans les principaux objectifs de sa philosophie politique, car Bel Ali n’a pas échoué parce qu’il a été un continuateur de Bourguiba, mais parce qu’il a associé à une philosophie honnête (à laquelle il s’est conformé presque durant quinze ans), une pratique malhonnête affaiblissant son pouvoir de décision et l’instrumentalisant au gré de certains insouciants.


Même le grand tapage que l’on fait sur la période de la prétendue « séquestration » du père de la Nation tunisienne, il conviendrait de le relativiser largement d’après les témoignages, loin des médias et de toute intimidation, de gens honnêtes, sans intérêt politique actuellement, qui accompagnaient Bourguiba dans les détails de sa vie quotidienne. En vérité, l’image de Bourguiba a toujours régné sur l’inconscient collectif des Tunisiens comme un phare éclairant la voie de leur destin.


Sans doute le choix du titre « Le retour de Bourguiba » a-t-il été choisi en référence à la période de la troïka qui a commencé, dès sa campagne électorale, par dénigrer le fondateur de la Tunisie moderne et essayer d’amplifier les défaillances au détriment des grandes réalisations. D’aucuns diraient : c’est de bonne guerre ? Qu’importe ! Mais l’Histoire restera l’Histoire : difficile à cerner aujourd’hui malgré le souci de certains de recueillir le maximum de témoignages, malheureusement entichés pour la plupart non seulement d’une subjectivité incontrôlée, mais parfois d’une malhonnêteté caractérisée.Au besoin, l’Histoire s’écrit, à la fin, malgré et contre tous, tout en étant en profondeur le produit de tout et de tous.


Vous croyez que Bourguiba a perdu un brin de son aura sous la troïka ? Vous vous tromperiez car c’est lui, grâce à l’âme qu’il a implantée dans les cœurs et les esprits des femmes et des hommes de sa patrie, même celles et ceux qui n’étaient pas dans son parti, c’est lui qui s’est dressé comme une barrière infranchissable devant tous les projets réactionnaires qui cherchaient à se loger subrepticement dans la nouvelle constitution tunisienne dont un vrai toilettage s’avèrera bientôt nécessaire. C’est  lui qui a forcé un Marzouki, monté sur son tombereau de vengeance illusoire, à se reconnaître, quelque part, du leader au point de s’approprier, son historien aidant, le projet de la Maison Bourguiba décidé et enclenché en avril 2001, d’après les anciens superviseurs du projet. C’est lui aussi, Bourguiba, qui, sous l’effet du déterminisme historique inéluctable (qui n’est souvent pas reconnu par les réactionnaires, mais auquel ils s’accommodent parfois par obligation ou par stratégie), a poussé RachedGhannouchi à lui reconnaître un rôle et à accepter de dire « Paix à son âme » !


Alors ? Retour de Bourguiba, dites-vous ? Non, Bourguiba n’est jamais parti de Tunisie et jamais il ne partira.

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