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  • 18/07/2015 à 10:31

Téhéran/Occident, un accord historique ?

Téhéran/Occident, un accord historique ?

Pr. Khalifa Chater

Au terme de plusieurs prolongations et d'une ultime journée de tractations fiévreuses, l'Iran et les pays du « P 5+1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) sont finalement parvenus à un compromis sur le nucléaire iranien, aux premières heures de la journée, mardi 14 juillet à Vienne.

L'accord  limite l'enrichissement de l'uranium et la production du plutonium en Iran. Il renforce les inspections. L’objectif principal est de mettre en place de sévères restrictions pour garantir que le break-out, le temps nécessaire pour produire assez d’uranium enrichi permettant de fabriquer une arme atomique, soit d’au moins un an pendant une durée de dix ans. Certes, l'accord ne prône pas le démantèlement du programme iranien, comme initialement envisagé lors des premières négociations, conduites par les Européens entre 2003 et 2005. Mais il surveille de plus près les infrastructures iraniennes dans le but d'empêcher Téhéran de se lancer dans une course à la bombe atomique. En contre partie, l'accord prévoit une levée - fut-elle progressive ! - des sanctions imposées à l'Iran. Les sanctions adoptées par l’UE et les Etats-Unis visant les secteurs de la finance, de l’énergie et du transport iranien seront levées dès la mise en œuvre par l’Iran de ses engagements, attestée par un rapport de l’AIEA. Cela devrait intervenir début 2016. La même procédure sera suivie pour lever les six résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies contre l’Iran depuis 2006.

L'accord peut-il mettre fin à une stratégie nucléaire iranienne ? Il peut cependant la retarder ou plutôt l'inscrire dans de nouvelles relations apaisées entre Téhéran et les puissances. La prise en compte du nucléaire israélien  rappelle d'ailleurs la politique de "deux poids, deux mesures", dénoncée par les observateurs. L'accord fut certes sérieusement  critiqué par le gouvernement israélien. Il ne bénéficia point d'un accueil favorable des pays du Golfe, à l'exception du Qatar. L'accord érige l'Iran en puissance régionale ou plutôt confirme ce statut. Il mettrait, à plus ou moins brève échéance, une nouvelle équation géopolitique, pouvant relativiser les alliances d'antan. Soucieux d'apaiser les inquiétudes de ses alliés, le Président Obama assure qu'une normalisation des relations Washington/Téhéran est hors de question, vu l'importance du différend. Peut-on exclure  de nouvelles perspectives permettant une collaboration sur le terrain, ne serait-ce que pour appréhender Daeche, l'ennemi commun ou pour construire de nouveaux compromis, sur la Syrie, le Yémen et pour quoi pas la Palestine. Le dégel permettrait l'ouverture d'un nouvel horizon géopolitique, sinon d'inverser les rapports de forces. D'ailleurs il empêcherait la Russie de faire valoir son alliance exclusive avec l'Iran. Procédant à une évaluation de l'accord, l'analyste Abdel Beri Atouane classe l'Arabie Saoudite, le Koweït, Bahreïn et les Emirats, parmi les perdants. Par contre, Oman profiterait de la fin du blocus, vu sa neutralité durant la crise, ainsi  que Doubaï, qui a constitué l'alternative commerciale, durant le blocus. La Syrie, l'Irak, Hizb Allah et l'alliance Houthie profiterait de "l'ombrelle iranienne". Autres pays qui profiteraient de l'accord, selon Abdel Beri Atouane, l'Algérie, l'Egypte, la Tunisie et la Mauritanie, qui ne s'étaient pas engagées contre Téhéran (Abdel Beri Atouane, 'l'accord de la nuit du destin, Al-Hassad News, 14 juillet 2015). Fait important, l'accord aurait un impact non négligeable sur les marchés mondiaux de l'énergie, en levant les restrictions à l'exportation des immenses réserves iraniennes d'hydrocarbures. Peut-on sous-estimer l'impact de la nouvelle donne sur la carte politique sur le Moyen, en relation avec la nouvelle équation géostratégique ! 
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