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  • 30/10/2018 à 09:16

Terrorisme à l’avenue Bourguiba, quelles questions se poser ?

Terrorisme à l’avenue Bourguiba, quelles questions se poser ?

Par Mansour M’henni

Je ne sais quel sentiment avoir à l’égard de la jeune dame qui s’est fait exploser au cœur même de la Capitale, dans un lieu stratégique et symbolique de l’avenue Habib Bourguiba, celui où une brigade sécuritaire est en faction permanente ! Faut-il piquer une sourde et aveugle colère ou se laisser aller à une molle compassion teintée d’un populisme bon marché ? Il vaut sans doute mieux en raisonner les effets et les causes et aboutir aux vraies questions.

L’acte terroriste de cette femme nous replonge tous, tout citoyens que nous sommes, dans une série de questions que nous n’avons que superficiellement effleurées, à chaque occasion de ce genre, davantage pour nous redonner bonne conscience et revenir à nos moutons, plutôt que par acquis de conscience pour trouver des solutions et les mettre en application.

Voilà une femme qui avait pris soin de se couvrir le corps de la tête aux pieds en signe de prétendue piété et qui se retrouve à la fin exposée aux regards du monde entier, le giron vulgairement nu, entiché de son propre sang et de celui de gens qu’elle avait cherché à tuer, alors qu’ils étaient là pour veiller à la sécurité du commun des citoyens et des biens publics !

Voilà une femme qui, nous dit-on, a quitté sa famille croupissant dans des conditions précaires, sous prétexte de chercher un travail à Tunis, et qui, un jour plus tard, fait la Une des médias en tant que protagoniste d’un acte terroriste de la plus haute gravité ! Heureusement, l’acte a causé plus de peur que de mal ; mais le vrai mal est ailleurs, plus précisément dans la chaîne qui a fait de cette femme ce qu’elle est devenue.

On dit souvent que l’habit ne fait pas le moine, mais il y a lieu de croire qu’il l’y prédispose. La confusion entre le voile et l’acte de cette femme est certes quelque peu abusive, pour certains, mais son voile pourrait constituer un indice de son cheminement vers une idéologie qui, à petits pas, pousse certains jeunes vers un fanatisme sectaire conduisant droit vers le terrorisme. Le phénomène agit subrepticement dans le tissu social ; on s’en rend difficilement compte ; puis, imprévisiblement, sa réalité et son effet nous explosent à la figure et nous plongent dans une consternation qui est la preuve et le résultat de notre défaillance citoyenne, à tout niveau de responsabilité citoyenne que nous soyons, du président de la République au père de la terroriste, même dans son état de déficience physique.

Ce qui nous manque le plus, dans notre éthique fondamentale et notre pratique sociétale, c’est la conscience de proximité solidaire. Nous avons un grave déficit de vraie conversation, celle qui est mue par la compétence d’écoute et par l’auto-interrogation, plutôt que de faux dialogues  commandés par la démagogie et le pouvoir de puissance. Cette conversation devrait s’instaurer dans tous les lieux et contextes de socialité, depuis la famille restreinte jusqu’à l’espace public le plus large. Elle devrait habiter les objectifs et animer les stratégies des pédagogues et des éducateurs, des médias, des politiques de quelques bords qu’ils se réclament.

Je le redis encore à qui veut bien m’écouter, l’acte terroriste perpétré dernièrement en plein cœur de l’avenue Bourguiba à Tunis nous incite à nous organiser, plus que jamais, en une vraie société de conversation. Tout le reste en émanera automatiquement et d’abord la démocratie.

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