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  • 23/04/2018 à 09:23

Un bras de fer pour l’enfer

Un bras de fer pour l’enfer

Par Mansour M’henni

Un bras de fer est un jeu, mieux même, un sport, avec ce qu’un sport comporte en risques et en satisfactions. 

Une fois la partie jouée, les deux compétiteurs, les ferristes, sont censés se retrouver dans la convivialité joviale, voire dans l’affinité amicale. Mais le bras de fer que joue notre centrale syndicale, l’UGTT restée « centrale » malgré la pluralité syndicale, et notre gouvernement dit « d’union nationale », n’a apparemment rien de sportif. Il y a même à croire qu’il s’agit d’un jeu dangereux dont l’enjeu peut s’avérer infernal pour le pays et pour ses citoyens.

Sans prendre parti pour ou contre l’un et l’autre des deux parties, force est de reconnaître qu’il y a urgence à dépasser cette crise et à éviter un langage de menace ou de dénigrement qui ne sied à aucun responsable, à quelque niveau qu’il soit de la responsabilité. Force est de reconnaître également que, sur un autre plan, nous sommes tous responsables soit en tant que syndiqués, soit en tant qu’impliqués dans le pouvoir, soit en tant que citoyens pris en otage par l’une ou l’autre force en présence.

Néanmoins, la responsabilité de ceux qui sont censés être des partenaires sociaux et qui donnent le sentiment qu’ils se sont transformés en belligérants, est d’un autre ordre de gravité. C’est pourquoi la recrudescence du langage de menace poussé jusqu’au jargon épique est contraire à l’éthique qui devrait présider au rôle des responsables syndicaux. En effet, on a pris désormais l’habitude d’un jargon spécifique au Secrétaire général des enseignants du secondaire, mais que le Secrétaire général de l’UGTT annonce : « Préparez-vous à une journée épique le 1er mai ! », cela devient à la limite de l’implication juridique. Pourtant, il avait bien donné l’impression, un moment, de pouvoir assurer un juste équilibre de la défense des droits légitimes de ses syndiqués et de la situation par trop lamentable d’un Etat en perte de moyens, et peut-être d’autres ingrédients.

Quant à l’Etat, on ne manquerait pas de lui reprocher son retard à saisir la vraie dimension des tensions sociales et de ce fait, de se retrouver souvent devant le fait accompli par déficit de politique de conversation. Il est vrai qu’on ne peut pas lui faire subir toutes les anomalies des gouvernements précédents, depuis 2011, mais il assumerait la responsabilité de n’avoir pas anticipé une sereine et franche concertation à ce propos, surtout avec les partenaires du « Document de Carthage », et même plus largement. Au résultat, on est devant une impasse, parce que dans ce bras de fer, il ne s’agirait plus, semble-t-il, de faire baisser le bras de l’autre, mais de lui faire baisser la tête. Or, il serait catastrophique de chercher à faire baisser la tête de l’Etat.

Que faut-il donc aujourd’hui ? D’abord arrêter le compte des points marqués par l’un contre l’autre, entre le gouvernement et le syndicat. En effet, le conflit n’est plus entre le syndicat du secondaire et le ministre du secteur ; désormais il s’agit bien d’un conflit franc entre la centrale syndicale et le gouvernement, pour ne pas dire, au vu de certains propos, un conflit entre Tabboubi et Chahed. C’est à se demander pourquoi ce conflit a atteint aujourd’hui son point culminant ! C’est à croire même qu’il y a anguille sous roche et qu’il y a un enjeu politique sous la table. Le malheur, c’est que ce pari se joue au détriment de nos enfants et de nos familles, au détriment même de notre cohésion sociale et de nos chances de juste et pérenne démocratisation de la société.

Il est donc urgent qu’une instance de médiation intervienne, avec la prédisposition à des concessions à faire d’un côté comme de l’autre, et cette instance se concrétise en la personne du Président de la République. Aujourd’hui plutôt que demain, le Président se doit d’inviter le secrétaire général de l’UGTT et le président du Gouvernement et de les faire aboutir à un accord de base permettant un retour à la négociation sereine, sans menace ni chantage, et une promesse sincère de respecter les droits des syndiqués avec le réalisme approprié aux conditions de l’Etat.

Sinon, c’est bien l’enfer qui nous attend et personne n’en est à l’abri. 

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