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  • 29/10/2014 à 12:07

Un mois ou deux devant la Tunisie qui vont engager son destin

Un mois ou deux devant la Tunisie qui vont engager son destin

Par Mansour Mhenni

Les dés des élections législatives sont maintenant jetés, les Tunisiens sont désormais fixés sur d’autres préoccupations d’aussi grande importance, mais aussi d’une grande complexité. Que va faire Nidaa Tounès pour former son gouvernement ? Qui va s’y joindre et qui va s’en retenir ? Comment sera gérée l’élection présidentielle à la lumière de ces élections ?  

En plus d’autres questions procédurales, portant surtout sur la transition des pouvoirs, donc du ressort des juristes, et, me semble-t-il, de moindre importance.

Que va faire Nidaa Tounès pour former son gouvernement ? C’est la grande question que plusieurs personnes se posent et que les dirigeants du parti vainqueur semblent diluer dans un discours de précaution, en attendant l’élection présidentielle qui sera forcément au centre des différents calculs et des stratégies variées de tous les concernés. L’essentiel dans ce propos est de ne pas se déclarer en conflit définitif avec Ennahdha tout en s’en distinguant nettement pour des questions de principe et de projet civilisationnel. Autrement dit, ne pas insulter l’avenir, ni du côté des électeurs qui ont fait confiance au Nidaa, ni du côté d’une formation politique qu’il est impossible de ne pas prendre en considération pour la gouvernance de la Tunisie dans les cinq années à venir. Dès lors, le gouvernement, c’est pour après la présidentielle : une proposition qui ne déplaît d’ailleurs pas à Ennahdha, ni au parti de l’Union national Libre. Néanmoins, peut-être pas tellement au Front Populaire ! On le voit, c’est la seconde question qui est en arrière-plan de ces attitudes.

Qui va se joindre au gouvernement du Nidaa et qui va s’en retenir ?

Il y a d’abord la position du Nidaa dont la souplesse miroitée n’élude pas une rigueur de principe : « nous ne gouvernerons pas seuls, mais nos partenaires sont les formations de la famille démocratique ». Sous-entendu, Ennahdha aussi quand elle aura donné la preuve concrète, à la pratique, qu’elle s’inscrit désormais dans cette logique, autrement dit qu’elle se démarque de l’islam politique au profit de l’Etat civil.

Il est clair toutefois que pour être réconfortant, le vote majoritaire du Nidaa n’est pas confortable, si bien que toutes les combinaisons gouvernementales restent possibles, même si les unes sont plus réalistes que les autres. Comment le Nidaa convaincra-t-il des partenaires susceptibles de constituer la majorité requise autour de lui ? Quel prix y mettra-t-il ? Est-il vraiment en mesure d’imposer toutes ses règles ou toutes ses conditions ?

C’est pourquoi il reste probable que le Nidaa négociera d’abord la présidence : s’il se la garantit, il peut faire des concessions relativement importantes dans le sens d’un partage étendu du pouvoir gouvernemental, sur la base d’une plate-forme communément entendue et concrètement contractée, de façon engageante.

De là la question de savoir comment sera gérée l’élection présidentielle à la lumière de ces élections.

Il semble que dans la configuration actuelle du paysage politique postérieur au 26 octobre, l’enjeu de la présidence peut se focaliser autour de Béji Caïd Essebsi et Slim Riahi, qui doit avoir de bonnes raisons d’y croire moyennant une négociation en termes de contrepoids, à la façon dont ces termes ont été utilisés par le Nidaa pour les législatives. Hamma Hammami jouant plutôt le rôle du trouble-fête qui cherche la formule idoine de s’affirmer davantage comme une force d’impact et d’influence.

Toutefois, il n’est sans doute pas interdit dans ce cafouillage relatif d’étudier les chances des candidatures indépendantes. Certains électeurs, en nombre non négligeable, sont encore branchés sur de telles candidatures, elles aussi beaucoup trop nombreuses et souvent suspectes pour la circonstance. En effet, comment croire à l’indépendance de certaines candidatures qui se présentent comme telles, alors qu’on constate de visu qu’elles sont viscéralement annexées à certains partis ? Au final, on en aurait deux ou trois d’indépendances crédibles, ne serait-ce que relativement. Reste l’estimation réaliste de la part de vote en faveur de ces candidatures.

La thèse d’un président indépendant est fort alléchante, en théorie, surtout dans le contexte actuel de la Tunisie. Ce qui reste à étudier, c’est la réceptivité de cette formule par les électeurs tunisiens et la capacité suffisante des concernés à hisser leur statut en projet politique à même d’être largement partagé. Je n’ai personnellement pas les moyens requis de me prononcer sur la question et sur les chances d’une telle démarche ; mais les concernés sont certainement penchés sur la question avec rigueur et application.

Tout cela maintient l’attente en alerte et l’espoir en ballottage avec la peur d’une déception non souhaitable. Un enjeu de taille pour la Tunisie se joue entre la responsabilité des politiques, les vainqueurs et les vaincus, et la responsabilité citoyenne des Tunisiens en général et des électeurs en particulier.

Voilà bien un mois ou deux devant la Tunisie à vivre dans la conscience de leur part déterminante à engager le destin du pays, de ses institutions et de ses citoyens. 
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