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  • 26/12/2019 à 09:23

Une visite surprise, comme un signe de tempête…

Une visite surprise, comme un signe de tempête…

Par Mansour M’henni

Difficile de rester insensible à la vague de mécontentement qu’a provoquée la visite surprise du président Turc, Recep Tayyip Erdoğan, en Tunisie, venu comme un père Noël, avec plus d’un tour dans son sac. 

Pour une surprise, ce n’en était pas une sans doute pour la présidence tunisienne, mais pour la plus grande partie des Tunisiens, c’en était une et de taille ! A la fin, ces Tunisiens se sont sentis abusés, trahis même, dans l’espoir qu’ils avaient mis dans leur président fraîchement élu, car le voilà les fourrant dans la gueule du loup de certains jeux conflictuels dont la Tunisie avait toujours su s’accommoder sans implications compromettantes.

Peut-être cette attitude critique, par trop virulente parce que prise à chaud, sera-t-elle revue à la modération après une explication attendue du côté du président de la République, ou après un éventuel retournement de la situation régionale à même de la justifier d’un quelconque point de vue plus ou moins acceptable. Cependant, l’heure est aujourd’hui au scepticisme et à la suspicion, compte tenu surtout d’une certaine bonhomie politique du président tunisien face au machiavélisme incontestable du président turc. Celui-ci ne joue la politique ni à l’éthique ni aux sentiments. Seuls ses intérêts comptent, et tout le reste n’est que littérature.

Rien que pour rester dans notre environnement régional, on se souvient que toute la vision méditerranéenne d’Erdogän était inscrite dans la logique d’un jeu égocentrique de pouvoir et d’influence. Il avait un moment tourné le dos au bassin pour convoiter un statut d’appartenance à la communauté européenne. Mais devant le refus de cette communauté, il s’est retourné de nouveau vers la Méditerranée pour en tirer le maximum de profit et, par-delà, plus de poids pour convaincre l’Europe de changer d’opinion à son égard.

Est-ce utile, dans le contexte actuel, de rappeler la place de la Turquie en Lybie vers la fin de 2010, à la veille de ce qui allait s’appeler le « Printemps arabe » ? L’écrasante majorité des échanges économiques de notre frère de l’est était avec la Turquie, et cela s’était fait au détriment de la Tunisie. Ce retournement de la situation a d’ailleurs été couronné par l’attribution à Erdogan du Prix Kadhafi des Droits de l’Homme, en septembre 2010. C’est sans doute pourquoi le président turc est resté l’ultime défenseur de son ami de Lybie jusqu’aux dernières heures de sa chute tonitruante et spectaculaire.

C’est dire qu’aujourd’hui encore, Erdogän ne saurait raisonner et agir autrement que dans l’intérêt strict et exclusif de son propre pouvoir, indépendamment des retombées que cela aurait sur les autres. A la limite, peut-on vraiment lui en vouloir dans les termes cyniques qui déterminent de plus en plus les mordus du jeu politique contemporain. Reste à savoir où nous devons mettre démocratiquement notre confiance dans nos responsables politiques en fonction de leur façon de faire. Reste aussi à vérifier si, dans le même contexte, leur façon de faire est commandée par un savoir-faire confirmé et une sûre intégrité d’appartenance et d’engagement dans la défense et la protection de l’intérêt national, ou à conclure tristement à la naïveté populaire qui, ne sachant tirer profit de la démocratie, conclut trop tard à des choix politiques ne répondant ni à ses attentes ni même à ses espoirs.

Mais avant tout, il revient d’abord à la présidence de la République de prendre une petite halte d’évaluation et de prospection pour une meilleure prise sur les jeux et les effets divers de la diplomatie et de ses revers, et de le faire surtout en considération, voire en concertation, avec les alliés les plus objectifs de la Tunisie, en l’occurrence les pays du Maghreb. En effet, à un moment où le roi du Maroc et le nouveau président de l’Algérie envoient des signes prometteurs d’un assainissement des rapports intermaghrébins, il serait fâcheux que la Tunisie résonne comme une fausse note de la symphonie en perspective et qu’elle raisonne hors de la logique prioritaire de la maghrébinité comme principal atout dans les interactions géostratégiques.

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