La période de gestation du dialogue national pour accoucher d’un Premier ministre indépendant a finalement débouché sur un choix. Certes un choix surprise pour certains, mais un choix quand même,

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  • 17/12/2013 à 12:04

Voilà un Premier ministre et voici les nouveaux problèmes par Mansour M'HENNI

Voilà un Premier ministre et voici les nouveaux problèmes par Mansour M'HENNI

La période de gestation du dialogue national pour accoucher d’un Premier ministre indépendant a finalement débouché sur un choix. Certes un choix surprise pour certains, mais un choix quand même,

laissant une lueur d’espoir quant à une possible continuation de l’action commune pour une transition évitant au pays des dérapages fâcheux qui seraient devenus fort probables sans cette issue provisoirement finale du dialogue national.

Indépendant, notre nouveau Premier ministre ? On semble en douter ! Mais quand comprendrons-nous, ou quand aurons-nous l’honnêteté de reconnaître qu’on n’est jamais intrinsèquement indépendant ? Quelle naïveté politique ou quelle malhonnêteté ! Il n’y a que des actes qu’on peut juger, après coup, indépendants ou non. Mais une personne indépendante est un leurre, ou alors ce n’est plus une personne, tout juste un objet qu’on déplacerait ou qu’on utiliserait indépendamment de sa propre volonté.

Evidemment, après le résultat du dialogue (même si certains participants lui refusent aujourd’hui cette désignation !), il y a tout le cinéma des différentes formations et figures politiques : les unes ne veulent pas perdre la face malgré un échec attesté, d’autres cherchent hypocritement à ne pas perdre le change avec l’aile forte qui a imposé l’heureux élu, celle-ci essaie stratégiquement de ne pas trop s’octroyer la victoire même si elle cache mal sa jubilation, enfin les éternels détracteurs qui tirent sur tout ce qui bouge et qui, le jour où il n’y aura plus rien à tirer, tireront sur eux-mêmes.

Le fait est que personnellement, paradoxalement peut-être et malgré les réactions récalcitrantes que je provoquerais, je dis « Bravo, Ennahdha ! ». En effet, voilà bien une formation politique qui a montré un grand savoir-faire ou une grande force à se tirer des pires situations de crise avec les moindres dégâts, sinon avec même des avantages ! Vous les prétendus opposants, allez crier tous les diables que vous voulez, ce ne seront que des cris d’amertume pour un échec qui ne veut pas s’avouer comme tel.

 

De fait donc, à chaque crise, l’opposition rate l’occasion de se repositionner efficacement et Ennahdha réussit les coups d’essai de son matériel et de ses stratégies de combat.

Revenons maintenant à notre nouveau Premier ministre :

Personnellement, sans avoir un quelconque rapport de près ou de loin avec la personne ni avec les parties qui l’ont propulsé au statut qu’il a acquis, malgré certaines attitudes retardataires de refus non ou mal justifié, me semble-t-il, je pense que le choix de Mehdi Jomâa nous sauve des propositions calamiteuses que certaines débilités ou malhonnêtetés politiques voulaient nous imposer. Je dis bien propositions et non personnes, car je suis plein de respect pour toutes les personnes proposées, sauf que j’en ai de moins en moins pour Ahmed Mestiri qui, se sachant la cause des problèmes, n’a pas eu le courage et l’honnêteté de se retirer de la course au moment où il se voyait au plus bas du vote et au plus impliqué dans la dissension et dans le risque d’éclatement !

De fait, l’occasion a été donnée de constater que les calculs d’Ettakattol restent toujours trop étriqués, en tout cas très peu motivés par la tunisianité, et que ceux d’Al-Joumhouri le sont tout autant, sinon plus, au moins de par son chef spirituel, Néjib Chebbi qui ne semble plus savoir sur quel pied danser. Le plus curieux, c’est que ces partis parlent de démocratie et reprochent au(x) parti(s) de Bourguiba et de Ben Ali d’avoir été trop personnalisé(s) et centré(s) sur le chef ! Or leurs partis obéissent à la même structure et aux mêmes fonctionnements, sinon c’est pire encore !

Donc, pour le final, je dis qu’on a un Premier ministre et que c’est bien ; il a même un profil qui peut présager d’un avenir politique certain (après 5 ans de transition dans le prochain gouvernement élu ou à sa périphérie) ; mais il a aussi des atouts favorables pour réussir cette dernière étape brièvement transitoire, espérons-nous. Donnons-lui les moyens de la réussir, sinon laissons-le faire tout en maintenant le contrôle et la pression, autrement dit en restant éveillés, tous autant que nous sommes.

Mais tout cela n’empêche pas d’autres problèmes qui sommeillent et qui, pour ne pas causer des préjudices regrettables, auront besoin justement de la veille et de la pression de la société civile élargie (comptant les partis politiques mais ne se réduisant nullement à leur initiative, qui n’est pas toujours heureuse malheureusement). Peut-être un regroupement autour du quartet serait-il plus efficace pour imposer, par son intermédiaire, les conditions permettant d’éviter ces problèmes potentiels ou d’en réduire l’effet.

Il y aura évidemment la grande question de l’ANC en rapport à sa chanson de légitimité : acceptera-t-elle finalement de se cantonner dans le seul rôle qui lui revient institutionnellement et logiquement, le rôle constitutionnel, sans se mêler du reste ?

Il y aura aussi une présidence par trop versatile jusqu’à l’enfantillage parfois, frôlant ainsi l’inconscience ou faisant montre de trop de manigances dont on devinerait facilement les motivations et les ambitions ! Alors acceptera-t-elle de rester dans la neutralité requise pour la circonstance afin de laisser le nouveau gouvernement conduire la feuille de route à bon port ?

Il y aura finalement le mouvement Ennahdha qui, malgré toutes les douceurs stratégiques dont il fait l’étalage pour corriger une image par trop entamée par plusieurs événements mal maîtrisés, aura à gérer des orientations rendant difficiles ses anciennes alliances, notamment à l’égard des crimes commis et des ligues pour la protection de la révolution.

Ce qu’il faudrait, à mon sens, c’est un bon et vrai retour au fonctionnement institutionnel : d’abord laisser à la justice ce qui relève de ses compétences et la doter de l’autonomie de fonctionnement à même de garantir son indépendance et son objectivité ; empêcher toute formation cherchant à s’octroyer le droit de défendre « la révolution » et n’autoriser une action politique ou civile large que dans la dimension, spécifique et relative, de l’objet qui lui est reconnu dans le respect du principe que ce qui appartient à tous (la patrie, la religion, et s’il se fait, « la révolution ») ne saurait devenir l’apanage d’une personne ou d’un seul groupe de personnes ; relancer l’économie en sécurisant ses moyens et ses acteurs et en favorisant la mobilité nécessaire à son cycle de vie ; réhabiliter l’administration dans son bon fonctionnement et dans un plus de transparence et de contrôle de l’efficience ; remettre en marche une vraie machine d’action culturelle oeuvrant à consacrer et à consolider les valeurs de respect, de tolérance et de solidarité au-delà de toute manipulation politiquement politicienne.

Pour ce faire, le nouveau Premier ministre aura besoin de beaucoup d’audace, d’un grand courage, d’une inlassable volonté de réussir, d’une immense et imperturbable sérénité ! Apparemment ses qualités intrinsèques semblent le prédisposer à une telle mission dont le succès lui donnera droit à la postérité, ô combien préférable à la petite politique de circonstance et de chapelle ! Mais il aura aussi besoin d’une adhésion généralisée de tous les citoyens patriotes et de toutes les forces vives du pays, qu’il devra savoir gagner par les signes qu’il ne cessera de donner de son objectivité, de son indépendance, de son honnêteté et de son efficacité.

 

Mansour M’henni

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